Jour 306 – De l’Ilha de Moçambique à Dar-es-Salaam

Nous retrouvons Chloé au petit-déjeuner de bonne heure, mais il nous faut nous hâter car nous devons prendre la route pour Nampula. Après lui avoir dit au revoir et souhaité bon voyage, il est temps de partir avec le même chauffeur qu’à l’aller. Le trajet passe plus vite il me semble, le fait que je me sois endormi y est surement pour quelque chose.

 

Notre chauffeur Constantine nous dépose à l’aéroport, nous sommes bien en avance. Nous patientions jusqu’à l’heure de l’enregistrement dans le petit aéroport de Nampula. Tellement petit que la douane pour sortir du pays est juste constituée d’un bureau installé derrière la porte qui mène au contrôle de sécurité.

 

Nous voici donc embarqués à bord de notre vol Kenya Airways en direction de Nairobi. Je profite du temps de vol pour faire le montage de notre séjour à l’Ilha de Moçambique. Rien de particulier à signaler si ce n’est que nous découvrons un paysage très vert lors de l’approche de la capitale Kenyane. Clémence avait gardé sa béquille pour prendre l’avion, du coup la compagnie nous a prévu un fauteuil roulant pour simplifier le transit. Nous étions un peu en mode lalalilalalou, pensant que l’on avait trop le temps pour changer d’avion, mais l’hôtesse qui s’occupe du fauteuil se presse pas mal. Nous découvrons qu’en réalité nous avons pris une heure de décalage horaire, et que nous avons par conséquent 15 minutes seulement pour faire notre transit.

 

C’est donc au pas de course, mais avec succès que nous embarquons en priorité sur le vol qui va nous conduire à Dar-es-Salaam, notre porte d’entrée en Tanzanie. Le vol est moins long que le précédent, et heureusement car la compagnie nous inflige le visionnage de vidéo de caméra cachée insupportables en boucle avec l’impossibilité d’éteindre nos écrans individuels, on n’est pas loin de la torture à ce niveau-là.

 

A l’arrivée à Dar-es-Salaam, nous commençons par la procédure de visa. L’accueil est très chaleureux de la part des militaires et policiers en charge de la procédure. Par contre, le visa n’est payable qu’en cash et en dollar US, on est heureux d’avoir quelques billets verts (restants de Bolivie) qui nous facilitent la vie à ce moment-là. Une fois le contrôle passé, nous retrouvons nos sacs qui nous attendent sagement, et à la sortie nous trouvons le chauffeur de taxi que l’auberge de jeunesse nous a envoyé.

 

Nous le faisons patienter le temps de nous approvisionner en Shilling Tanzanien, mais aussi en dollar US puisque le pays pratique une sorte de double monnaie pour les touristes. Une fois que nous avons aussi notre carte sim et un numéro tanzanien, nous quittons l’aéroport en direction de l’auberge. Pendant l’escale au Kenya, on a senti que l’anglais dominait, ici c’est par contre le Swahili qui est la langue principale (mais tout le monde semble quand même parler anglais). Le trajet à travers la ville nous donne l’occasion d’en avoir un premier aperçu, on peut dire que ça change du Mozambique ! C’est très urbanisé ici, et cela semble assez moderne, bien loin d’une grande ville comme Maputo de l’autre côté de la frontière. A l’arrivée à l’auberge, c’est les gardiens Maasaï qui nous ouvrent la voie. Nous nous installons rapidement, enfin nous attendons que nos colocataires de dortoir nous libèrent les lits sur lesquels ils s’étaient un peu étalés pour pouvoir nous installer. C’est la fin de journée pour nous.

Mozambique

 

Jour 305 – Ilha de Moçambique #2

Ce matin tout rentre dans l’ordre, je suis remis et même pour le pied de Clémence ça s’arrange doucement car ce sera la première sortie sans béquille ! Nous partons avec comme mission de passer au distributeur, puis nous partons pour faire un tour de la ville aussi. A peine quelques mètres après la sortie de l’hôtel, nous sommes rejoints par une partie des enfants et jeunes que nous avions rencontrés avant-hier : Matéo (le plus grand), Elio et Faustino. Ils ne nous quitteront pas de la matinée.

 

Nous découvrons d’autres endroits et d’autres rues de l’île. Nous tombons définitivement sous le charme de cet endroit qui mixe désuétude et renouveau, le tout dans un cadre complétement idyllique enrobé de mer turquoise. Nous découvrons le jardin du souvenir, un endroit créé par un artiste réunionnais, conçu pour ne pas oublier le passé sombre de l’ile vis-à-vis de la traite des esclaves. Les jeunes sont aussi fiers de nous montrer leur école, même si elle est en piteux état. Ils n’y sont pas aujourd’hui car c’est un jour férié, ça nous rassure et effectivement la fête bat son plein avec les fanfares et les groupes de gens bien habillés que nous croisons. Nous découvrons aussi l’autre côte de l’île, avec sa longue plage dominée par l’église San Antonio. Partout on voit des bâtiments en ruines, mais aussi pleins d’autres en rénovation. Certains travaux ne sont pas très heureux ni respectueux de l’architecture originale, mais dans l’ensemble on a la sensation que dans quelques années tout l’endroit aura un visage bien différent. Ce que nous espérons malgré tout, c’est que les hôtels, et surtout les hôtels de luxe n’envahissent pas entièrement le quartier historique. Il serait bien que les locaux puissent avoir accès à des logement décents ici aussi.

 

Nous laissons nos jeunes accompagnateurs pour aller faire une pause au frais à l’hôtel. Nous nous relançons dans l’organisation de la Tanzanie avant d’aller déjeuner. Cet après-midi, nous prenons la direction de la pointe de l’île, et plus précisément du Fort de São Sebastião. Pour nous y rendre nous traversons le grand jardin public. Les gens y sont installés tranquillement pour pique-niquer en ce jour férié festif, nous y découvrons pour notre part des allées d’arbres tous plus fous les uns que les autres. Ils ressemblent à des banians, et les racines sont très étendues et partout.

 

Un petit enfant pas très causant nous suit depuis un bon moment, mais il finit par nous laisser quand nous nous apprêtons à entrer dans le fort. Une fois le droit d’entrée payé au gardien nous accédons à la grande cour du fort. Le bâtiment n’est pas en bon état, il ne fait pas forcément parti des priorités pour les rénovations. Certaines consolidations semblent avoir été réalisées, mais sans respecter quoi que ce soit de l’architecture ou des méthodes originelles. Les fonds de l’UNESCO ne sont pas forcément arrivés jusqu’à leur but, après on peut comprendre que personne ne mette trop d’importance sur cet endroit qui fut le symbole de la domination portugaise pendant près de 5 siècles.

 

Nous sommes totalement seuls pour découvrir l’endroit, nous parcourons les remparts qui nous offrent une superbe vue sur les alentours et l’on comprend bien la position stratégique de la forteresse. Dans la cour trône une vieille église, la première d’Afrique de l’est a priori. Au hasard de notre visite nous découvrons une énorme réserve d’eau à demie souterraine et très bien cachée sous les bâtiments. Ce lieu a eu diverses fonctions, place de défense bien sûr, mais aussi prison, palais du gouverneur (avant la construction de celui visité hier), mais aussi et tristement ce fut le lieu d’emprisonnement et de préparation des esclaves avant leur départ vers le Brésil. Aujourd’hui quand on le visite, on ne voit plus vraiment de traces de tout ça, et il est certain qu’une bonne rénovation et une transformation avec plus de panneaux explicatifs ou des guides seraient nécessaires pour mieux comprendre l’endroit.

 

A la sortie de notre visite, nous nous faisons surprendre par une bonne averse. Sans relief et avec le vent marin, les nuages avancent vite forcément. Nous profitons d’un petit bar de plage pour nous abriter, et quitte à être là boire une petite bière en profitant de la fin d’après-midi. Le jour décroît très vite, nous profitons de la plage adjacente pour le coucher de soleil, Clémence fait un peu trempette mais la marée est tellement basse qu’il n’y a pas trop de profondeur pour aller nager. Nous rentrons à l’hôtel pour profiter des derniers instants de soleil depuis la terrasse sur le toit. Nous faisons à ce moment la rencontre de Chloé, une française qui est en plein tour du monde et nous papotons un peu. De fil en aiguille, nous décidons de nous retrouver pour diner un peu plus tard.

 

Après une pause au frais dans la chambre, nous retrouvons donc Chloé pour dîner. Nous partageons nos histoires de voyages (nous avons tous les deux commencé le parcours en Russie) et nos différentes expériences. Elle nous raconte comment elle a passé un mois comme passagère sur un porte-conteneurs entre la Belgique et Le Cap, c’est une aventure incroyable que nous écoutons avec intérêt ! Ce repas signe la fin de cette très bonne journée pendant laquelle nous avons pu mieux découvrir l’île. Ce séjour est une vraie parenthèse (salutaire) durant ce voyage, et je n’ai pas d’équivalent en tête quant à l’atmosphère ressentie ici.

 

Jour 304 – Ilha de Moçambique

Il est rare que je commence le récit de la journée par la nuit, mais aujourd’hui ce sera le cas. A partir de minuit, j’ai été atteint d’une intoxication alimentaire… On a mangé la même chose avec Clémence, à une différence près… apparemment la crème avec le poisson n’était pas trop fraiche (en l’honneur du restaurant, j’ai mis le bâtiment en photo de couverture). On a réfléchi et on s’est dit que vu les coupures d’électricité sur l’île il fallait faire attention à certains produits.

 

Bref, je passe une très sale nuit (#vomitoland), et je suis en sale état ce matin. J’ai aussi pas mal réveillé Clémence en bougeant autant. Bref, on est partis pour ne rien faire aujourd’hui… ce matin je dors, je dors et je dors encore. Quand la faim commence à tirailler Clémence, nous nous rendons au restaurant de l’hôtel o escondidinho. C’est drôle parce que les anciens gérants de ce restaurant sont ceux qui ont ouvert le restaurant Green Turtle où nous sommes allés à Tofo.

 

Le lieu est calme, très calme, il n’y a pas trop de touristes en ce moment. J’essaie de manger, j’aurais dû m’abstenir ça ne passe pas top. Histoire de profiter un peu de l’île aujourd’hui, nous nous rendons au palais du gouverneur, le bâtiment rouge devant lequel nous étions passés la veille. Un guide nous fait faire le tour de ce palais qui a été utilisé jusqu’en 1988. L’endroit est très beau et gigantesque, on a l’impression d’être en Espagne ou au Portugal pendant un moment. La petite église privée adjacente au palais est elle aussi assez impressionnante.

 

N’étant pas au top de ma forme, nous retournons dans notre chambre, et je m’endors, et je dors et je dors et je dors… c’est un tunnel de sommeil. Clémence elle ira profiter du coucher de soleil depuis le toit du bâtiment. Je finirai quand même par émerger, pour que l’on se re lance dans la préparation et les réservations pour la Tanzanie qui arrive à grand pas. On sort manger, enfin j’accompagne Clémence pour qu’elle mange, puis nous finissons la soirée autour d’un film, il y a un petit air de vacances (mais j’espère être remis demain).

Jour 303 – De Nampula à l’Ilha de Moçambique

Le chauffeur réservé pour le trajet du jour se présente à l’heure dite, nous nous mettons en route. Nous sommes contents de notre choix car ça aurait été une mission de faire ces 180 kilomètres en chapa. Nous mettons déjà 3 heures pour atteindre la côte, heureusement que nous étions assez bien installés. Pour accéder à l’île, nous empruntons un pont, mais pas n’importe quel pont : il est long de 3,5 kilomètres, et fait seulement la largeur d’une voiture. Il y a quand même parfois des petits élargissements pour que deux voitures se croisent.

 

Dès l’arrivée sur l’île, nous sommes plongés dans une ambiance complétement différente du reste du Mozambique. Cela commence par la ville du sud, celle où vit la majorité des habitants, dans des maisons assez délabrées. Il y a une grosse surpopulation, 17000 personnes sur la zone. Notre hôtel se trouve dans la partie du nord de l’île qui n’est pas bien grande au final : à peine 3km de long pour maximum 400 mètres large.

 

L’île fut le point d’entrée des portugais dans le pays, mais surtout la première capitale (détrônée au profit de Maputo). Une capitale dans laquelle fut en autre ouvert le premier hôpital de la côte orientale africaine. Aussi, il y a une grosse concentration de bâtiments coloniaux, plusieurs forts et de manière général plein de restes de la période portugaise. L’influence Arabe est aussi bien présente, puisque ces derniers ont commencé à commercer ici dès le Xème siècle. Il en reste aujourd’hui plusieurs mosquées, et une communauté musulmane assez importante. Il y a par contre beaucoup de ruines, certaines ont été pillées pour les construction des maisons des locaux. L’île a été classée par l’UNESCO, ce qui a permis de protéger ce qui restait et aussi de lancer un programme de restauration (quand les fonds arrivent à destination a priori). Les investissements privés dans l’hôtellerie et la restauration ont aussi beaucoup aidé.

 

Nous nous installons pour trois nuits au Café Central, l’hôtel est sublime dans une ancienne demeure coloniale, et nous avons probablement une des plus belles chambres du voyage. L’hôtel continue de s’étendre et les travaux de restauration continus. Nous allons ensuite déjeuner dans un restaurant qui est une référence ici et qui par chance est en face. C’est bon, le lieu est beau, et la vue depuis la terrasse est superbe (la terrasse elle-même aussi d’ailleurs). Nous passerons une partie de l’après-midi tranquille dans notre petit cocon, Clémence profite bien du hamac pour faire un petit somme.

 

Nous ressortons en fin d’après midi pour faire un petit tour (forcement petit car Clémence ne marche pas encore à fond), pour voir un bâtiment qui ressemble à une église mais de couleur rouge que l’on a vu depuis le toit de l’hôtel, et puis un peu le coucher de soleil aussi. Un groupe d’enfants et de jeunes nous accompagne presque toute notre balade. Le contact est assez facile, en mixant anglais, espagnol, italien et bien sur portugais, on arrive à communiquer avec eux (enfin surtout Clémence parce que j’aurais préféré un peu plus de calme parfois). Ils sont à fond, et super curieux. Certains tentent de nous vendre des trucs, mais c’est presque secondaire à l’envie de parler. Nous échangeons un bon moment avec eux, le soleil décline complétement pendant ce temps.

 

Notre courte balade dans le quartier et sur le ponton, mais aussi l’observation depuis la terrasse du toit nous aurons donné l’occasion d’avoir un bon aperçu de la ville nord de l’île. L’ambiance est super agréable, on s’y sent bien. Architecturalement, on se sentirait presque dans le sud de l’Italie d’après Clémence (je n’y suis pour ma part jamais allé). L’air est doux et les enfants sont dehors le sourire aux lèvres. Nous sentons par contre que nous sommes plus à l’est, avec un coucher de soleil à 17h30. Nous passons donc la fin d’après-midi / début de soirée à l’hôtel (notre chambre est tellement géniale qu’on y est trop bien) avant de ressortir dîner. Le poisson est au menu, et c’est de rigueur. Ce soir on mange du poisson-perroquet, c’est aussi beau sous l’eau que bon dans l’assiette, j’avais eu la chance d’en déguster aux Fidji, pour Clémence c’est une première.

 

Jour 302 – De Lichanga à Nampula

Je remarque en sortant de l’ascenseur ce matin que le petit son à l’ouverture des portes correspond aux trois premières notes de Tom Sawyer. Je quitte donc le faux hôtel de luxe de Lichinga en chantonnant le générique du dessin animé qui n’est pas du tout dans le thème de la journée ! Je rejoins Bruno dans sa boutique pour qu’il m’accompagne à l’aéroport. Il n’est pas là mais on le fait appeler et il ne tarde pas. Nous avons une bonne discussion dans la voiture, très intéressante. Il est assez objectif sur sa ville et sa région, et a pas mal de projets en tête pour essayer d’améliorer la situation. Je lui parle du projet « workaway », et nous voyons comment il pourrait intégrer le volontariat dans ses envies de formation auprès des populations locales.

 

Me voici dans le tout petit aéroport de Linchinga, je mets mon sac à dos dans sa housse (en mode avion) et fait la queue du check-in. Un agent de sécurité qui m’a vu faire tout ça vient me chercher dans la file pour m’emmener à part, et me fait tout sortir et tout rouvrir pour fouiller mon sac, sympa ! Ensuite, les formalités sont pour ainsi dire express, tout comme le vol pour Nampula qui dure à peine une heure.

 

J’avais la dernière fois eu l’arrivée à Nampula de nuit en me rendant compte à quel point le coin n’était pas électrifié, de jour c’est sublime. On ne voit même pas de ville à l’arrivée, juste une grande étendue très verte avec des montagnes des monts (encore karstiques désolé !) qui sortent de nulle part. La navette de l’hôtel m’attend à l’arrivée pour m’emmener directement, c’est très efficace.

 

Je m’installe dans notre chambre, que dis-je, notre suite car nous avons été surclassés ! Je ressortirai manger un bout au plus près l’hôtel, mais je passe une grande partie de l’après-midi à m’occuper de l’organisation de notre séjour à l’Ilha de Mozambique qui commence demain. Il faut surtout trouver un transport pour nous éviter une autre galère avec les chapas (bus locaux). A 17 heures, je profite de l’ultime navette pour retourner à l’aéroport. J’y passe plus de deux heures à attendre car le vol de Clémence est en retard.

 

A son arrivée, je me faufile (grâce à une sécurité inexistante) dans la mini-salle d’arrivée des bagages. J’y retrouve avec joie Clémence (et sa petite béquille) ! Je l’aide à récupérer son sac et nous sortons. J’étais parti pour négocier un taxi (encore une fois) mais on croise par hasard l’homme qui fait la navette de l’hôtel. Il fait des heures supplémentaires, et propose de nous ramener pour un tarif déjà très honnête, ça simplifie la négociation ! La soirée est déjà bien avancée, nous ressortons juste diner au « food court » voisin.

 

Jour 301 – De Metangula à Lichanga

C’est le départ des rives du lac Malawi, un dernier au revoir et on se met en route. Un groupe de babouins semblent nous attendre sur la route en sortie de ville, comme pour nous dire au revoir. La première partie de la route est cahoteuse, mais cela n’a rien à voir avec la piste d’hier, même si parfois il y a des passages très éroits. A mi-chemin, nous prenons des passagers avec tout leur chargement dans la benne du pick-up. Ils finiront le trajet avec nous, et au vu des voitures que l’on croise, c’est un moyen de transport très commun ici. La dernière partie de la route jusqu’à la capitale régionale est heureusement plus asphaltée.

 

A l’arrivée à Lichanga, nous déposons nos passagers au marché, puis Neves me dépose à l’hôtel Girasol. C’est le meilleur hôtel de la ville, j’avoue qu’une nuit de plus dans une chambre moyenne me déprimait un peu et que j’ai besoin d’un vrai repos. Par contre, je découvre que cet hôtel pratique des prix un peu prohibitifs, surtout en comparaison de celui de Nampula qui appartient à la même chaîne. Comme c’est un peu dans ma nature maintenant, je négocie le prix et j’obtiens un bon rabais. Par contre je vais découvrir après que ça reste quand même cher pour le service et la qualité globale de l’endroit. Enfin bref, il faut dire que même si l’hôtel ressemble à un bâtiment de l’aire soviétique et que l’intérieur est dénué d’âme, de décoration et très sombre, la chambre requiert tout ce dont j’ai besoin pour ce soir : un lit (qui en plus est confortable), de l’espace, de la propreté, pas d’insectes qui grouillent partout, une douche avec un vrai pommeau, et même de l’eau chaude.

 

Je vais ensuite déjeuner au petit restaurant-buffet découvert lors de mon arrivée, avant de faire un tour à pied rapide du centre-ville. Je découvre au milieu d’un parc un reste de carlingue d’avion. A priori, c’est l’endroit même d’un crash, mais personne ne se souvient quand et dans quelle condition. Je constate surtout un gros problème de gestion des déchets : il y en a éparpillés un peu partout sur les « pelouses » et les trottoirs. Sur la place centrale, il y a une statue et une fresque en l’hommage du premier président Mozambicain : le Maréchal Samora Moisés Machel.

 

Je retourne ensuite au magasin de location de voiture, j’y retrouve Bruno et Neves pour faire le retour officiel du pick-up. J’en profite pour demander un grand service à Bruno : qu’il m’emmène à l’aéroport demain matin pour se substituer au service que l’hôtel doit normalement assurer (mais pas en ce moment a priori). Il accepte et cela m’arrange bien. Je salue chaleureusement Neves en lui promettant de lui envoyer les photos de lui et le lien vers la vidéo, et je rentre à l’hôtel.

 

Je n’ai aucune motivation pour visiter la ville, qui de toute manière ne présente pas un intérêt touristique flagrant. Je profite donc de l’après-midi pour faire le montage vidéo de ces derniers jours, et aussi pour prendre le temps de regarder des vidéos juste pour me changer les idées et me détendre. Je ne ressortirai pas de la journée et j’alterne entre le hall pour avoir le wifi, et ma chambre pour me poser tranquille quand je n’ai pas besoin de connexion et c’est tout.

 

Jour 300 – De Cobué à Metangula

Après m’être préparé et avoir mis mes sacs dans le pick-up, je souhaite me lancer dans la visite du coin. Il est encore tôt, et j’ai demandé à Neves que l’on parte en tout début d’après-midi. J’étais lancé pour partir me balader seul, mais il semble décidé à m’accompagner. Dans un premier temps je prends la direction de l’église, le seul point d’intérêt noté dans mon guide. D’extérieur le bâtiment semble abandonné, vu son état en tout cas c’est ce que je pense. Mais alors que je m’apprête à entrer, je vois par la porte plein de gens. Je prends conscience que l’on est dimanche, l’office est en cours. Je me contente de regarder de l’extérieur avant de faire demi-tour.

 

Nous partons en direction du sud, en traversant le village et en longeant le lac. Neves fait un peu le guide, et répond au mieux à mes questions, parfois il demande aux habitants quand il ne sait pas, de manière générale quand je vois quelque chose d’intéressant il fait de son mieux pour pouvoir m’expliquer. Nous passons à coté de l’école qui bien sûr est vide aujourd’hui Cela me donne l’occasion de pouvoir aller espionner par les trous qui servent de fenêtres l’intérieur des classes. Matériellement ce n’est pas reluisant c’est sûr, au tableau je remarque que c’est écrit en portugais. C’est l’occasion de m’intéresser un peu plus aux langues du pays, car j’entends que lorsque Neves s’adresse aux gens, c’est rarement en portugais. Il m’explique (avec ses mots) que le portugais n’est que la langue véhiculaire du pays, mais qu’il y a 14 langues différentes en fonction des régions du Mozambique (lui en parle déjà 6). Certains ne semblent pas parler portugais du tout. Quand j’écoute les conversations de Neves avec les locaux, ce qui est drôle c’est que les chiffres ressortent toujours en portugais, et même parfois en anglais. On peut avoir un « thousand » et un « hundred » accolé à un « dez » ou un « vinte »

 

Assez rapidement, Neves a envie de faire demi-tour, je lui explique que j’ai toute la matinée et que je souhaite prendre mon temps et profiter, mais qu’il n’est pas obligé de venir avec moi. Là, je comprends surtout qu’il me comprend mal et qu’il n’ose pas me le dire… je me rends compte que plein d’informations et explications de ces derniers jours sont surement passées à la trappe. Je lui refais en synthétique, il comprend et décide de continuer avec moi.

 

Je découvre le long du chemin les champs de manioc, mais aussi tout le processus de transformation des racines. Je peux même aller échanger avec une famille par son intermédiaire et voir de plus près comment ça marche. Une fois la racine récoltée, il faut les laisser dans l’eau pendant 5 à 7 jours, puis les couper en petits morceaux et les laisser sécher. Ici, c’est sur des bâches en plein soleil que ça se fait. Ensuite, il faut au pilon écraser le tout pour en faire une sorte de farine. A partir de ce moment là c’est utilisable… C’est un travail long, laborieux et titanesque. Je vois les femmes, bébé sur le dos en train de pilonner les morceaux de manioc en poudre. En ce dimanche, les enfants aident aussi à la récolte dans les champs.

 

En réalité, pendant cette visite, je fais une immersion dans le Mozambique profond et surprend les gens par mon passage, j’ai toujours droit à des sourires ou à des saluts de main. De mon côté, je ne peux que constater les conditions dans lesquelles ces gens vivent, certains semblent s’en sortir mieux que d’autres mais je constate que certains hameaux sont très isolés. Nous marchons une bonne heure, et croisons des gens qui vont au marché de Cobué pour vendre leur maigre pêche ou récolte. C’est dans tous les cas une marche très intéressante pour moi, qui me permet d’observer au plus près (sans tomber dans le voyeurisme) la vie locale. Je suis quand même content que Neves ait fait le choix de m’accompagner, il est un peu mon sésame pour pouvoir parler avec les gens.

 

Nous ferons halte sur une plage isolée avant de faire demi-tour en direction du Cobué. Il est 11 heures et le soleil cogne très fort. De retour vers l’hôtel, j’attends Neves qui part déjeuner pour que l’on parte après. Pour ma part je saute ce repas, mon estomac dit non au riz. Nous nous mettons en route vers 13 heures sur la piste qui semble encore plus défoncée au retour qu’à l’aller. La remontée de la pente à la sortie de Cobué est intense, et on peut bénir le mode 4×4 sinon ça ne passait pas. Nous aurons la chance de pouvoir croiser des groupes de babouins qui étaient soit dans les bois sur le côté, soit carrément en train de boire dans les flaques sur la piste.

 

Les gens sont toujours aussi chaleureux sur notre passage, les saluts de main sont toujours là. Les enfants s’amusent et profitent de leur dimanche, mais il y a encore du monde qui travaille. Les têtes portent encore beaucoup, et nous doublerons même deux hommes à vélo avec des bouts de bois complètement disproportionnés. A l’approche de Chuwanga, nous croisons un cortège de personnes, et nous comprendrons qu’il s’agit d’une cérémonie de funérailles. Il y a beaucoup de monde, et contrairement à ce qui se fait chez nous, les habits sont très colorés. Ça me fait quand même un pincement au cœur de voir ça.

 

A l’arrivée à Metangula, Neves me laisse à l’hôtel Madalena, celui là même où j’étais venu dîner. Pour ce soir, je ne bouge plus et je suis autonome ici. Le rendez-vous est pris pour demain matin, nous rentrons sur Lichinga car je souhaite voir un peu la ville mais surtout y être la veille de mon départ en avion pour être sûr de ne pas le rater. Il n’y a qu’un avion tous les deux jours, et j’ai un rendez-vous important à honorer : je retrouve Clémence à Nampula le 8 au soir. Je termine cette journée un peu particulière, ce 300ème jour officiel de voyage, ce 300ème texte écrit aussi. Ce genre de passage me fait un petit truc à chaque fois, c’est bête pourtant…

 

Jour 299 – De Chuwanga à Cobué

Je suis prêt à 8 heures, l’heure convenue avec Neves hier pour le départ en direction de Cobué, mais il n’est pas là. J’attends, un peu sans m’inquiéter… mais au bout d’une heure de retard je finis quand même par l’appeler. Il me baragouine quelque chose, je ne comprends pas trop, si ce n’est qu’il me dit que dans 30 minutes il est là. Pour la faire courte, ce cinéma va durer 4 heures, pendant lesquelles je l’appelle, il me dit j’arrive, je ne sais pas trop ce qu’il se passe en réalité. Quand au bout de trois heures de retard il ne répond carrément plus au téléphone, j’appelle Bruno auprès qui j’ai réservé la voiture pour comprendre. Il m’explique qu’il y a eu un problème de pneu, et qu’il en a fait envoyer un de Lichinga et qu’il fallait attendre qu’il arrive par le bus pour le changer avant de partir. Je suis un peu remonté, pourquoi ne pas m’avoir dit direct « on part cet après-midi » au lieu de me faire mariner sur une chaise toute la matinée, j’aurais pu rendre ma matinée un peu plus intéressante.

 

A son arrivée, Neves se confond en excuses mais je lui fais comprendre que je préfère qu’il me dise la vérité plutôt qu’il fasse son petit business dans son coin, c’est plus facile pour m’arranger de mon côté. Nous devions à la base arriver à l’heure du déjeuner à Cobué, mais il est déjà midi passé donc ce sera d’abord demi-tour pour retourner sur Metangula. L’après-midi est entamé, mais il reste encore assez de temps pour arriver de jour à Cobué, nous nous mettons donc en route pour plusieurs heures de piste.

 

Et quelle piste ! Elle me rappelle celles empruntées au Laos, sauf qu’ici c’est sur 100 kilomètres… je me félicite de ne pas être parti en moto j’aurais sérieusement galéré. Nous passons au travers de plein de petits villages complètement isolés, les locaux semblent surpris de nous voir, les enfants font des signes de mains chaleureux. J’ai l’impression d’assister à la vie locale en rapide en passant ainsi : certains vendent leur récolte ou leur pêche, d’autres font la lessive, ou encore construisent de nouvelle case. Les cases sont faites de torchis et de toit en paille, des fois de murs en briques recouverts, j’ai l’impression de traverser un paysage d’Afrique tel que je me l‘imaginais. Mais ce qui m’impressionne le plus, ce sont les femmes qui portent tout et n’importe quoi sur leur tête, parfois avec des volumes gigantesques, d’autres fois cela semble sacrément lourd. Déjà rien que les bidons d’eau qui sont transportés du puits  jusqu’aux maisons, c’est pour ainsi dire la seule façon d’avoir accès à l’eau. Je remarque aussi qu’il y a des écoles assez régulièrement, disséminées équitablement entre les villages.

 

Après une longue portion sans vie, en ayant seulement doublé un camion-bus, et croisé une voiture sur tout le trajet, les villages refont surface à l’approche de Cobué. Nous arrivons ici dans les confins du Mozambique : d’un coté il y a le Malawi, de l’autre la Tanzanie. L’arrivée se fait par la piste qui serpente pour descendre des montagnes à travers la forêt. Soudain, j’aperçois le petit village de Cobué, mais surtout ce qu’on distingue au loin ce sont les deux îles qui lui font face. En réalité, ces deux îles sont sur le territoire du Malawi, mais dans des eaux du Mozambique (quand on peut faire simple). Il semble qu’elles soient un des endroits les plus touristiques du lac, mais mon visa simple entrée au Mozambique m’interdit d’aller y faire un tour, sous peine de ne plus pouvoir rentrer après. Les montagnes du Malawi sur l’autre rive sont aussi visibles, et l’influence de ce pays sur cette zone isolée du Mozambique semble assez prononcée. D’ailleurs le seul réseau de téléphone disponible est Malawite.

 

Nous trouvons un hôtel en plein centre, à deux pas du ponton. Les chambres sont très économiques et pas trop mal pour le prix. Je ne m’installe pas de suite et part sur le ponton pour profiter du spectacle offert par le coucher de soleil. Le ciel se pare de plein de couleurs, il finit par rougeoyer avant de laisser la nuit s’installer. Pendant ce temps, des jeunes pêchent depuis le ponton, d’autres pêchent depuis un bateau. En une demie heure, il n’y a plus trop de lumière, et à 18 heures passée il fait nuit noire. Je mange au petit restaurant de l’hôtel, mais je commence un peu à me lasser des plats… depuis 3 jours les choix sont réduits : poulet ou poisson, frites ou riz. C’est toujours préparé de la même façon, et certes pas mauvais mais je sature un tout petit peu quand même de cette monotonie alimentaire. A 19h30 et après une douche froide au pichet, je file au lit, il n’y a de toute façon rien d’autre à faire ici.

Jour 298 – Le lac Malawi : Chuwanga & Metangula

J’étais parti pour ma petite matinée tranquille au bord du lac, mais à 8 heures du matin, on frappe à ma porte. C’est Neves qui apparemment avait mal compris l’horaire de rendez-vous et qui m’accueille avec un « on y va ? ». Ça m’embête un peu, et c’est le mauvais coté de dépendre de quelqu’un mais je repousse le départ à l’heure prévue initialement, je retourne finir ma nuit. Pour le petit déjeuner j’ai tout, sauf de l’eau bouillante pour me faire un thé, j’en demande donc au restaurant d’à côté. Je ne pensais pas qu’une simple histoire d’eau chaude pouvait prendre cette tournure, car en lieu et place de l’eau je me suis retrouvé avec une sorte de sandwich, et je ne comprends toujours pas pourquoi. Finalement, après le quiproquo le restaurant finira par comprendre, et pourtant Neves avait essayé de leur demander en portugais.

 

Il est enfin l’heure de la baignade dans le lac ! Passés les premiers deux mètres fait de cailloux, je rejoins un seul sablonneux qui est parfait, mais surtout l’eau est magnifiquement douce et claire, j’en profite allègrement pendant un bon moment. Au loin, je vois les villageois qui viennent eux se ravitailler en eau à l’aide de gros seaux, ici il n’y a bien évidemment pas de réseau d’eau courante, et c’est le lac qui sert de source à tout le monde.

 

En fin de matinée, nous prenons la direction de Metangula. Neves m’emmène en direction du port, là où se concentre l’activité du village à cette heure, mais c’est aussi un des points d’entrée au Mozambique depuis le Malawi voisin. Accueilli tout d’abord par un arbre aux racines improbables, je découvre en me rapprochant de la plage une scène de la vie locale assez impressionnante. Je ne suis pas forcément à l’aise de m’approcher trop, tout du moins jusqu’à ce que Neves me rejoigne et m’accompagne sur la plage. A ce moment-là, les regards de suspicions se transforment en regards de curiosités, voir même d’approbations. Un groupe me demandera même de le prendre en photo, je n’osais pas vraiment sortir l’appareil et faire mon « touriste ».

 

Toute la vie locale est là : les pécheurs finissent de vider leurs filets aidés des jeunes et des enfants, certains négocient l’achat des poissons qui seront ensuite pour la plupart vendus à Lichinga, mais il y a aussi des femmes qui font la lessive, et d’autres qui prennent leur bain. Le lac sert pour à peu près tout, et est à tout le monde. La scène est assez fascinante, et en même temps un peu déconcertante. La vie semble très dure pour tout ces gens, mais ils ont pour la plupart un grand sourire. Tous sont plutôt bienveillants envers moi, et ceux qui connaissent quelques mots d’anglais sont ravis de pouvoir les parler.

 

Nous nous rendons ensuite de l’autre côté de la péninsule de Metangula, où je découvre un coté du lac beaucoup plus calme à cette heure, mais tout autant pollué par les déchets qui trainent çà et là. A ce moment-là, ce sont des groupes de jeunes et d’enfants qui profitent allégrement de l’eau en sautant des rochers. Nous allons à l’hôtel-restaurant voisin, Neves m’y laisse pour le déjeuner et part rejoindre sa famille ou ses amis j’ai un peu de mal à saisir, car il appelle souvent les gens « mon frère » ou « mon ami ». Je m’installe dans un fauteuil pour lire en attendant d’être servi… ce qui n’arrive pas. Quand Neves revient, je n’ai toujours pas d’assiette. Il se fait une mission de faire accélérer le service, ce qui fonctionnera, mais j’aurais attendu pendant une heure trente, au moins j’avais bien faim !

 

Après déjeuner, nous retournons du côté de Chuwanga. J’ai parlé ce matin avec un des gardiens de l’hôtel, et en anglais car ce dernier a vécu au Zimbabwe. Je le comprends, enfin presque car son manque de dents n’aide pas à l’articulation. Bref, ce dernier m’a proposé de me trouver un guide pour me conduire sur la petite ascension de la montagne voisine.

 

Nous partons récupérer le guide, qui est un jeune du village. Avant de monter, il veut négocier le prix… mais il est un peu trop gourmand sur sa demande, et même les vieux du village l’enguirlandent un peu. Du coup, c’est un des « vieux » en question » qui prend le rôle de guide, mon intermédiaire s’invite aussi et me voilà parti avec un guide et un interprète. Ça monte sec, et clairement pas par ce qu’on pourrait appeler communément un chemin. J’ai des épines qui se plantent partout dans mes chaussettes et mon t-shirt, et les herbes hautes me rendent la tâche difficile pour poser mes pieds . Mais au fur et à mesure de la montée, l’horizon se dégage quand même et je peux commencer à découvrir d’en haut le coin.

 

C’est vraiment beau, d’autant plus avec le coucher de soleil. Le lac parait sans fin d’ici, on aurait presque l’impression d’être en bord de mer. J’aimerais prendre mon temps pour en profiter, mais je me fais semer par mes deux petits « vieux » qui me guident, ils semblent être en mode course plutôt que marche tranquille. Arrivés au sommet, il n’y a pas de vue fulgurante, les herbes sont beaucoup trop hautes pour ça. Par contre, une pierre laissée par les portugais en 1959 marque bien le point le plus haut. Pour ma part, il me faut grimper dans un arbre pour pouvoir profiter du panorama, ce que je ne me prive pas de faire. C’est sublime, les montagnes qui se détachent des grandes étendues d’herbes, les villages disséminés, le lac, et la rivière qui se jette dedans par un superbe estuaire. Les guides m’attendent et je sens que je ne vais pas pouvoir rester là des heures, en même temps l’arbre n’est pas de tout confort non plus donc nous attaquons la descente assez rapidement. Ce n’est pas plus simple que la montée, voir c’est même plus compliqué de rester stable sur ce terrain. Les guides me montrent et m’expliquent au loin les emplacements des différents villages, et un peu comment fonctionne le coin. Eux-mêmes le disent : ici ils sont pauvres et se débrouillent avec les moyens du bord. Ils me disent que le président actuel est originaire d’un village voisin, et ils semblent placer en lui pas mal d’espoir, en se disant qu’il y a au pouvoir quelqu’un qui connait la situation de la région et leur situation.

 

Après une pause dans ma case (que je passe en partie à enlever les épines) et une petite baignade salvatrice en observant le coucher du soleil, nous reprenons une fois de plus la direction de Metangula avec Neves, mais cette fois-ci pour le dîner. Les guides que j’utilise ne sont vraiment pas à jour, car malgré le peu d’endroits où il  est y sensé avoir des restaurants, plus aucun n’existe. Le seul recours est de revenir là où j’étais à midi. Par contre, cette fois -ci Neves leur fait un avertissement, il ne faut pas qu’ils me refassent le même coup qu’à midi pour l’attente. Je commande ce qui se prépare le plus vite, Neves part pendant ce temps dîner de son coté. Il revient me chercher pile à la fin du repas, et me ramène par la piste cahoteuse jusqu’à Chuwanga. La route de nuit n’est pas évidente car les gens marchent sans lumière le long, il y a pas mal de moto mais qu’on ne voit guère mieux, et bien sûr des trous partout. Une fois rentré dans ma case, je rends les armes pour ce soir. Il me semble par contre que les hôtels sont plus animés, je prends conscience que nous sommes vendredi. C’est probablement les citadins de Lichinga qui viennent ici passer le week-end au bord du lac qui sont arrivés.

 

Jour 297 – De Nampula à Chuwanga

La nuit fut confortable dans cet hôtel un peu de luxe, mais le réveil est tôt. Une fois prêt, c’est avec la navette gratuite que je retourne au petit aéroport de Nampula pour prendre mon vol pour Lichinga. L’avion dans lequel je monte vient de Maputo, mais le mystère des billets m’interdisait de partir le matin même et de juste faire une brève escale à Nampula au lieu d’y passer la nuit.

 

Le vol pour Lichinga est rapide, un peu moins d’une heure, et me donne l’occasion grâce à la bonne météo de découvrir un nouveau type de paysage Mozambicain. Des étendues à perte de vue de collines, de monts karstiques et de forêts, dont pas mal de forêts de pins. On sent bien que la latitude a changé, et que le bord de mer s’est éloigné. En survolant Lichinga avant l’atterrissage, je prends conscience que malgré son statut de capitale de la région de Niassa, c’est une petite bourgade faite de rues un peu défoncées en terre rouge, avec quelques bâtiments mais beaucoup de quartiers constitués de cases avec un toit en paille. Je sens que j’arrive dans les profondeurs du pays, voir même un peu de l’Afrique.

 

A l’arrivée, une rangée de gens très bien habillés semblent être là pour un accueil officiel sur le tarmac. J’apprendrai qu’il y avait dans notre vol le leader du parti politique au pouvoir venu en visite ici. Une fois mon sac récupéré, je me lance dans l’inconnu, à partir de là je n’ai pas vraiment de plans, ni aucune réservation. Cet endroit est isolé et bien moins développé que le sud du pays, il est par conséquent impossible d’avoir des informations bien précises. Armé de deux guides sur ma liseuse (petit futé et lonely planet en anglais), mais qui ne sont pas forcément à jour je me lance. Première étape, la négociation du taxi, cette fois-ci aucun chauffeur ne se jette pas sur moi, mais avec ma tête de touriste « blanc » le prix demandé est comme hier soir cinq fois plus important que le prix standard. Commence la négociation, je joue entre indignation, et indifférence et je ne m’en sors pas trop mal (150 au lieu de 700Mt). Je me fais déposer dans l’extra-centre quelques minutes après, je prends conscience pendant le trajet de l’état de la ville et des ses routes, on est bien loin de Maputo (et Maputo était déjà bien loin de l’Afrique du Sud c’est pour dire). J’apprendrai plus tard que le peu de « blancs » ici travaillent souvent pour des ONG ou sont là en business et s’accommodent sans broncher des tarifs réhaussés. Le voyage avec sac à dos n’est pas encore connu, et il me semble que je fais un peu figure d’ovni pour les locaux.

 

Je me lance sur la place à la recherche d’une agence de tourisme qui pourrait m’apporter des informations, et éventuellement auprès de laquelle je pourrais louer une voiture pour être plus autonome. Je galère, je demande mais je ne trouve pas. Je finsi par tomber sur un homme qui parle anglais. Venancio de son nom, se renseigne et m’informe que l’agence a déménagé… 5 kilomètres plus loin. Mais il connaît un autre endroit où l’on peut louer une voiture, il m’invite à le suivre pour m’y conduire.

 

Je découvre une boutique qui vend en vrac des pneus, du gaz, des pièces automobiles, mais rien ne laisse présager de l’activité de location de véhicules  pourtant ils le font bien. Je rencontre Bruno le patron, et je commence à voir ce qu’il peut me proposer mais les premiers tarifs annoncés sont clairement au-dessus de mes moyens ! On discute, on négocie, mais je ne parviens pas à obtenir satisfaction, lui me vante pour argumenter le tarif la qualité et la jeunesse de la voiture. Soudain, il me dit que pour mon prix il peut me proposer une moto, j’hésite, longuement, il finit par la faire venir pour que je vois l’engin. Pendant qu’on attend la moto, on papote un peu et il me raconte qu’il a passé un mois en région parisienne pour passer les tests d’incorporation dans la légion étrangère, mais qu’il a été recalé. Il me dit aussi qu’il a vécu 15 ans à Lisbonne avant de revenir vivre ici.

 

Quand la moto arrive, je découvre un véhicule neuf, et j’hésite toujours. Mais je ne suis un peu frileux quand même, l’état des routes semble compliqué, et l’accident auquel nous avons assisté en Afrique du Sud m’a un petit peu traumatisé de la moto pour le moment. Bruno sort une dernière carte quand j’insiste sur la voiture, il me dit qu’il en a une un peu moins neuve qu’il peut me faire moins chère, je crois qu’il commence à saisir le concept de voyage économique ! Par contre il doit fermer la boutique à midi, on se donne donc rendez-vous à 14 heures pour continuer la discussion.

 

Je m’en vais en attendant le déjeuner dans le premier restaurant que je trouve. Il s’agit d’un restaurant avec buffet qui semble être le rendez-vous de tous les travailleurs du quartier pour leur pause, j’ai l’impression d’assister à une tranche de vie locale. De retour à la boutique de Bruno, nous continuons la discussion, en laissant l’option moto de côté et en se concentrant sur le vieux pick-up proposé.

 

J’essai de faire baisser le prix mais je comprends que ce qui le gêne c’est de me laisser partir seul, il a peur pour son véhicule. Il sort sa dernière carte, pour le même prix, il m’offre le chauffeur anglophone (ou presque) pendant les 4 jours et demi de trip. En quinze minutes tout se règle, il appelle le chauffeur qui débarque très rapidement. Je fais donc la rencontre de Neves avec qui je vais faire un bout de chemin.

 

Nous nous mettons en route après avoir fait le plein d’essence et d’eau en direction de Metangula, la ville portuaire en bordure du lac Malawi (ou lac Niassa). Assez vite, je comprends qu’avoir un chauffeur va s’avérer être une très bonne chose. Quand je vois la conduite ici, je me dis que la conduite en Asie était presque trop facile : les routes sont petites, pleines de trous, pas forcément bien asphaltées, bordées de hautes herbes, des gens marchent partout et avec les hautes herbes on les voit à peine, et des chèvres traversent sans prévenir. C’est un peu le parcours du combattant cette histoire. Mais Neves s’en sort très bien, et s’improvise aussi un peu guide en répondant avec plaisir avec mes questions et en me glissant quelques informations. Son anglais est un peu léger mais nous nous en sortons pour communiquer.

 

La route n’est vraiment pas évidente, mais lors de la descente sur Metangula, je peux enfin avoir ma première vision du lac, avec le soleil couchant en toile de fond. Nous ne nous arrêtons pas ici et prenons la piste qui part au nord pour nous rendre au village de Chuwanga. J’ai repéré qu’ici il y aurait des bungalows pour rester un peu, j’envisage deux nuits. Les bungalows ne sont pas fous, mais idéalement situés sur la plage et le cadre est magnifique. Par contre, le prix est prohibitif vu le confort (c’est même le triple de celui annoncé dans le guide), mais surtout la propriétaire n’est pas encline à négocier et refuse de baisser ne serait-ce que d’un seul meticais… dommage car le lodge est entièrement vide et ça leur aurait au moins fait un client ! Un autre hôtel se trouve juste à coté mais pas directement sur la plage, ce sont cette fois-ci des petites cases individuelles. Le gérant lui est plus enclin à négocier, surtout si je paie cash tout de suite. Avant de retourner sur Metangula pour dormir chez un ami à lui, Neves me négocie le repas avec le lodge voisin. Il vaut mieux car les restaurants ne courent pas les rues dans le village. Je suis doublement content d’être accompagné car je m’en serais difficilement sorti avec les locaux qui ne parlent pas un mot d’anglais ! Après toutes ces négociations, j’ai à peine le temps de voir les dernières lueurs du soleil depuis la plage, mais le lac avec son eau cristalline se devine bien. Je finis le repas très tôt et je me pose dans ma petite case, prend une douche froide avec un seau et un pichet avant de profiter de ma soirée libre… J’avoue que me retrouver seul est très bizarre, et j’espère que la vue du lac au réveil me fera oublier le confort très spartiate des lieux.