Jour 298 – Le lac Malawi : Chuwanga & Metangula

J’étais parti pour ma petite matinée tranquille au bord du lac, mais à 8 heures du matin, on frappe à ma porte. C’est Neves qui apparemment avait mal compris l’horaire de rendez-vous et qui m’accueille avec un « on y va ? ». Ça m’embête un peu, et c’est le mauvais coté de dépendre de quelqu’un mais je repousse le départ à l’heure prévue initialement, je retourne finir ma nuit. Pour le petit déjeuner j’ai tout, sauf de l’eau bouillante pour me faire un thé, j’en demande donc au restaurant d’à côté. Je ne pensais pas qu’une simple histoire d’eau chaude pouvait prendre cette tournure, car en lieu et place de l’eau je me suis retrouvé avec une sorte de sandwich, et je ne comprends toujours pas pourquoi. Finalement, après le quiproquo le restaurant finira par comprendre, et pourtant Neves avait essayé de leur demander en portugais.

 

Il est enfin l’heure de la baignade dans le lac ! Passés les premiers deux mètres fait de cailloux, je rejoins un seul sablonneux qui est parfait, mais surtout l’eau est magnifiquement douce et claire, j’en profite allègrement pendant un bon moment. Au loin, je vois les villageois qui viennent eux se ravitailler en eau à l’aide de gros seaux, ici il n’y a bien évidemment pas de réseau d’eau courante, et c’est le lac qui sert de source à tout le monde.

 

En fin de matinée, nous prenons la direction de Metangula. Neves m’emmène en direction du port, là où se concentre l’activité du village à cette heure, mais c’est aussi un des points d’entrée au Mozambique depuis le Malawi voisin. Accueilli tout d’abord par un arbre aux racines improbables, je découvre en me rapprochant de la plage une scène de la vie locale assez impressionnante. Je ne suis pas forcément à l’aise de m’approcher trop, tout du moins jusqu’à ce que Neves me rejoigne et m’accompagne sur la plage. A ce moment-là, les regards de suspicions se transforment en regards de curiosités, voir même d’approbations. Un groupe me demandera même de le prendre en photo, je n’osais pas vraiment sortir l’appareil et faire mon « touriste ».

 

Toute la vie locale est là : les pécheurs finissent de vider leurs filets aidés des jeunes et des enfants, certains négocient l’achat des poissons qui seront ensuite pour la plupart vendus à Lichinga, mais il y a aussi des femmes qui font la lessive, et d’autres qui prennent leur bain. Le lac sert pour à peu près tout, et est à tout le monde. La scène est assez fascinante, et en même temps un peu déconcertante. La vie semble très dure pour tout ces gens, mais ils ont pour la plupart un grand sourire. Tous sont plutôt bienveillants envers moi, et ceux qui connaissent quelques mots d’anglais sont ravis de pouvoir les parler.

 

Nous nous rendons ensuite de l’autre côté de la péninsule de Metangula, où je découvre un coté du lac beaucoup plus calme à cette heure, mais tout autant pollué par les déchets qui trainent çà et là. A ce moment-là, ce sont des groupes de jeunes et d’enfants qui profitent allégrement de l’eau en sautant des rochers. Nous allons à l’hôtel-restaurant voisin, Neves m’y laisse pour le déjeuner et part rejoindre sa famille ou ses amis j’ai un peu de mal à saisir, car il appelle souvent les gens « mon frère » ou « mon ami ». Je m’installe dans un fauteuil pour lire en attendant d’être servi… ce qui n’arrive pas. Quand Neves revient, je n’ai toujours pas d’assiette. Il se fait une mission de faire accélérer le service, ce qui fonctionnera, mais j’aurais attendu pendant une heure trente, au moins j’avais bien faim !

 

Après déjeuner, nous retournons du côté de Chuwanga. J’ai parlé ce matin avec un des gardiens de l’hôtel, et en anglais car ce dernier a vécu au Zimbabwe. Je le comprends, enfin presque car son manque de dents n’aide pas à l’articulation. Bref, ce dernier m’a proposé de me trouver un guide pour me conduire sur la petite ascension de la montagne voisine.

 

Nous partons récupérer le guide, qui est un jeune du village. Avant de monter, il veut négocier le prix… mais il est un peu trop gourmand sur sa demande, et même les vieux du village l’enguirlandent un peu. Du coup, c’est un des « vieux » en question » qui prend le rôle de guide, mon intermédiaire s’invite aussi et me voilà parti avec un guide et un interprète. Ça monte sec, et clairement pas par ce qu’on pourrait appeler communément un chemin. J’ai des épines qui se plantent partout dans mes chaussettes et mon t-shirt, et les herbes hautes me rendent la tâche difficile pour poser mes pieds . Mais au fur et à mesure de la montée, l’horizon se dégage quand même et je peux commencer à découvrir d’en haut le coin.

 

C’est vraiment beau, d’autant plus avec le coucher de soleil. Le lac parait sans fin d’ici, on aurait presque l’impression d’être en bord de mer. J’aimerais prendre mon temps pour en profiter, mais je me fais semer par mes deux petits « vieux » qui me guident, ils semblent être en mode course plutôt que marche tranquille. Arrivés au sommet, il n’y a pas de vue fulgurante, les herbes sont beaucoup trop hautes pour ça. Par contre, une pierre laissée par les portugais en 1959 marque bien le point le plus haut. Pour ma part, il me faut grimper dans un arbre pour pouvoir profiter du panorama, ce que je ne me prive pas de faire. C’est sublime, les montagnes qui se détachent des grandes étendues d’herbes, les villages disséminés, le lac, et la rivière qui se jette dedans par un superbe estuaire. Les guides m’attendent et je sens que je ne vais pas pouvoir rester là des heures, en même temps l’arbre n’est pas de tout confort non plus donc nous attaquons la descente assez rapidement. Ce n’est pas plus simple que la montée, voir c’est même plus compliqué de rester stable sur ce terrain. Les guides me montrent et m’expliquent au loin les emplacements des différents villages, et un peu comment fonctionne le coin. Eux-mêmes le disent : ici ils sont pauvres et se débrouillent avec les moyens du bord. Ils me disent que le président actuel est originaire d’un village voisin, et ils semblent placer en lui pas mal d’espoir, en se disant qu’il y a au pouvoir quelqu’un qui connait la situation de la région et leur situation.

 

Après une pause dans ma case (que je passe en partie à enlever les épines) et une petite baignade salvatrice en observant le coucher du soleil, nous reprenons une fois de plus la direction de Metangula avec Neves, mais cette fois-ci pour le dîner. Les guides que j’utilise ne sont vraiment pas à jour, car malgré le peu d’endroits où il  est y sensé avoir des restaurants, plus aucun n’existe. Le seul recours est de revenir là où j’étais à midi. Par contre, cette fois -ci Neves leur fait un avertissement, il ne faut pas qu’ils me refassent le même coup qu’à midi pour l’attente. Je commande ce qui se prépare le plus vite, Neves part pendant ce temps dîner de son coté. Il revient me chercher pile à la fin du repas, et me ramène par la piste cahoteuse jusqu’à Chuwanga. La route de nuit n’est pas évidente car les gens marchent sans lumière le long, il y a pas mal de moto mais qu’on ne voit guère mieux, et bien sûr des trous partout. Une fois rentré dans ma case, je rends les armes pour ce soir. Il me semble par contre que les hôtels sont plus animés, je prends conscience que nous sommes vendredi. C’est probablement les citadins de Lichinga qui viennent ici passer le week-end au bord du lac qui sont arrivés.