Jour 297 – De Nampula à Chuwanga

La nuit fut confortable dans cet hôtel un peu de luxe, mais le réveil est tôt. Une fois prêt, c’est avec la navette gratuite que je retourne au petit aéroport de Nampula pour prendre mon vol pour Lichinga. L’avion dans lequel je monte vient de Maputo, mais le mystère des billets m’interdisait de partir le matin même et de juste faire une brève escale à Nampula au lieu d’y passer la nuit.

 

Le vol pour Lichinga est rapide, un peu moins d’une heure, et me donne l’occasion grâce à la bonne météo de découvrir un nouveau type de paysage Mozambicain. Des étendues à perte de vue de collines, de monts karstiques et de forêts, dont pas mal de forêts de pins. On sent bien que la latitude a changé, et que le bord de mer s’est éloigné. En survolant Lichinga avant l’atterrissage, je prends conscience que malgré son statut de capitale de la région de Niassa, c’est une petite bourgade faite de rues un peu défoncées en terre rouge, avec quelques bâtiments mais beaucoup de quartiers constitués de cases avec un toit en paille. Je sens que j’arrive dans les profondeurs du pays, voir même un peu de l’Afrique.

 

A l’arrivée, une rangée de gens très bien habillés semblent être là pour un accueil officiel sur le tarmac. J’apprendrai qu’il y avait dans notre vol le leader du parti politique au pouvoir venu en visite ici. Une fois mon sac récupéré, je me lance dans l’inconnu, à partir de là je n’ai pas vraiment de plans, ni aucune réservation. Cet endroit est isolé et bien moins développé que le sud du pays, il est par conséquent impossible d’avoir des informations bien précises. Armé de deux guides sur ma liseuse (petit futé et lonely planet en anglais), mais qui ne sont pas forcément à jour je me lance. Première étape, la négociation du taxi, cette fois-ci aucun chauffeur ne se jette pas sur moi, mais avec ma tête de touriste « blanc » le prix demandé est comme hier soir cinq fois plus important que le prix standard. Commence la négociation, je joue entre indignation, et indifférence et je ne m’en sors pas trop mal (150 au lieu de 700Mt). Je me fais déposer dans l’extra-centre quelques minutes après, je prends conscience pendant le trajet de l’état de la ville et des ses routes, on est bien loin de Maputo (et Maputo était déjà bien loin de l’Afrique du Sud c’est pour dire). J’apprendrai plus tard que le peu de « blancs » ici travaillent souvent pour des ONG ou sont là en business et s’accommodent sans broncher des tarifs réhaussés. Le voyage avec sac à dos n’est pas encore connu, et il me semble que je fais un peu figure d’ovni pour les locaux.

 

Je me lance sur la place à la recherche d’une agence de tourisme qui pourrait m’apporter des informations, et éventuellement auprès de laquelle je pourrais louer une voiture pour être plus autonome. Je galère, je demande mais je ne trouve pas. Je finsi par tomber sur un homme qui parle anglais. Venancio de son nom, se renseigne et m’informe que l’agence a déménagé… 5 kilomètres plus loin. Mais il connaît un autre endroit où l’on peut louer une voiture, il m’invite à le suivre pour m’y conduire.

 

Je découvre une boutique qui vend en vrac des pneus, du gaz, des pièces automobiles, mais rien ne laisse présager de l’activité de location de véhicules  pourtant ils le font bien. Je rencontre Bruno le patron, et je commence à voir ce qu’il peut me proposer mais les premiers tarifs annoncés sont clairement au-dessus de mes moyens ! On discute, on négocie, mais je ne parviens pas à obtenir satisfaction, lui me vante pour argumenter le tarif la qualité et la jeunesse de la voiture. Soudain, il me dit que pour mon prix il peut me proposer une moto, j’hésite, longuement, il finit par la faire venir pour que je vois l’engin. Pendant qu’on attend la moto, on papote un peu et il me raconte qu’il a passé un mois en région parisienne pour passer les tests d’incorporation dans la légion étrangère, mais qu’il a été recalé. Il me dit aussi qu’il a vécu 15 ans à Lisbonne avant de revenir vivre ici.

 

Quand la moto arrive, je découvre un véhicule neuf, et j’hésite toujours. Mais je ne suis un peu frileux quand même, l’état des routes semble compliqué, et l’accident auquel nous avons assisté en Afrique du Sud m’a un petit peu traumatisé de la moto pour le moment. Bruno sort une dernière carte quand j’insiste sur la voiture, il me dit qu’il en a une un peu moins neuve qu’il peut me faire moins chère, je crois qu’il commence à saisir le concept de voyage économique ! Par contre il doit fermer la boutique à midi, on se donne donc rendez-vous à 14 heures pour continuer la discussion.

 

Je m’en vais en attendant le déjeuner dans le premier restaurant que je trouve. Il s’agit d’un restaurant avec buffet qui semble être le rendez-vous de tous les travailleurs du quartier pour leur pause, j’ai l’impression d’assister à une tranche de vie locale. De retour à la boutique de Bruno, nous continuons la discussion, en laissant l’option moto de côté et en se concentrant sur le vieux pick-up proposé.

 

J’essai de faire baisser le prix mais je comprends que ce qui le gêne c’est de me laisser partir seul, il a peur pour son véhicule. Il sort sa dernière carte, pour le même prix, il m’offre le chauffeur anglophone (ou presque) pendant les 4 jours et demi de trip. En quinze minutes tout se règle, il appelle le chauffeur qui débarque très rapidement. Je fais donc la rencontre de Neves avec qui je vais faire un bout de chemin.

 

Nous nous mettons en route après avoir fait le plein d’essence et d’eau en direction de Metangula, la ville portuaire en bordure du lac Malawi (ou lac Niassa). Assez vite, je comprends qu’avoir un chauffeur va s’avérer être une très bonne chose. Quand je vois la conduite ici, je me dis que la conduite en Asie était presque trop facile : les routes sont petites, pleines de trous, pas forcément bien asphaltées, bordées de hautes herbes, des gens marchent partout et avec les hautes herbes on les voit à peine, et des chèvres traversent sans prévenir. C’est un peu le parcours du combattant cette histoire. Mais Neves s’en sort très bien, et s’improvise aussi un peu guide en répondant avec plaisir avec mes questions et en me glissant quelques informations. Son anglais est un peu léger mais nous nous en sortons pour communiquer.

 

La route n’est vraiment pas évidente, mais lors de la descente sur Metangula, je peux enfin avoir ma première vision du lac, avec le soleil couchant en toile de fond. Nous ne nous arrêtons pas ici et prenons la piste qui part au nord pour nous rendre au village de Chuwanga. J’ai repéré qu’ici il y aurait des bungalows pour rester un peu, j’envisage deux nuits. Les bungalows ne sont pas fous, mais idéalement situés sur la plage et le cadre est magnifique. Par contre, le prix est prohibitif vu le confort (c’est même le triple de celui annoncé dans le guide), mais surtout la propriétaire n’est pas encline à négocier et refuse de baisser ne serait-ce que d’un seul meticais… dommage car le lodge est entièrement vide et ça leur aurait au moins fait un client ! Un autre hôtel se trouve juste à coté mais pas directement sur la plage, ce sont cette fois-ci des petites cases individuelles. Le gérant lui est plus enclin à négocier, surtout si je paie cash tout de suite. Avant de retourner sur Metangula pour dormir chez un ami à lui, Neves me négocie le repas avec le lodge voisin. Il vaut mieux car les restaurants ne courent pas les rues dans le village. Je suis doublement content d’être accompagné car je m’en serais difficilement sorti avec les locaux qui ne parlent pas un mot d’anglais ! Après toutes ces négociations, j’ai à peine le temps de voir les dernières lueurs du soleil depuis la plage, mais le lac avec son eau cristalline se devine bien. Je finis le repas très tôt et je me pose dans ma petite case, prend une douche froide avec un seau et un pichet avant de profiter de ma soirée libre… J’avoue que me retrouver seul est très bizarre, et j’espère que la vue du lac au réveil me fera oublier le confort très spartiate des lieux.