Jour 300 – De Cobué à Metangula

Après m’être préparé et avoir mis mes sacs dans le pick-up, je souhaite me lancer dans la visite du coin. Il est encore tôt, et j’ai demandé à Neves que l’on parte en tout début d’après-midi. J’étais lancé pour partir me balader seul, mais il semble décidé à m’accompagner. Dans un premier temps je prends la direction de l’église, le seul point d’intérêt noté dans mon guide. D’extérieur le bâtiment semble abandonné, vu son état en tout cas c’est ce que je pense. Mais alors que je m’apprête à entrer, je vois par la porte plein de gens. Je prends conscience que l’on est dimanche, l’office est en cours. Je me contente de regarder de l’extérieur avant de faire demi-tour.

 

Nous partons en direction du sud, en traversant le village et en longeant le lac. Neves fait un peu le guide, et répond au mieux à mes questions, parfois il demande aux habitants quand il ne sait pas, de manière générale quand je vois quelque chose d’intéressant il fait de son mieux pour pouvoir m’expliquer. Nous passons à coté de l’école qui bien sûr est vide aujourd’hui Cela me donne l’occasion de pouvoir aller espionner par les trous qui servent de fenêtres l’intérieur des classes. Matériellement ce n’est pas reluisant c’est sûr, au tableau je remarque que c’est écrit en portugais. C’est l’occasion de m’intéresser un peu plus aux langues du pays, car j’entends que lorsque Neves s’adresse aux gens, c’est rarement en portugais. Il m’explique (avec ses mots) que le portugais n’est que la langue véhiculaire du pays, mais qu’il y a 14 langues différentes en fonction des régions du Mozambique (lui en parle déjà 6). Certains ne semblent pas parler portugais du tout. Quand j’écoute les conversations de Neves avec les locaux, ce qui est drôle c’est que les chiffres ressortent toujours en portugais, et même parfois en anglais. On peut avoir un « thousand » et un « hundred » accolé à un « dez » ou un « vinte »

 

Assez rapidement, Neves a envie de faire demi-tour, je lui explique que j’ai toute la matinée et que je souhaite prendre mon temps et profiter, mais qu’il n’est pas obligé de venir avec moi. Là, je comprends surtout qu’il me comprend mal et qu’il n’ose pas me le dire… je me rends compte que plein d’informations et explications de ces derniers jours sont surement passées à la trappe. Je lui refais en synthétique, il comprend et décide de continuer avec moi.

 

Je découvre le long du chemin les champs de manioc, mais aussi tout le processus de transformation des racines. Je peux même aller échanger avec une famille par son intermédiaire et voir de plus près comment ça marche. Une fois la racine récoltée, il faut les laisser dans l’eau pendant 5 à 7 jours, puis les couper en petits morceaux et les laisser sécher. Ici, c’est sur des bâches en plein soleil que ça se fait. Ensuite, il faut au pilon écraser le tout pour en faire une sorte de farine. A partir de ce moment là c’est utilisable… C’est un travail long, laborieux et titanesque. Je vois les femmes, bébé sur le dos en train de pilonner les morceaux de manioc en poudre. En ce dimanche, les enfants aident aussi à la récolte dans les champs.

 

En réalité, pendant cette visite, je fais une immersion dans le Mozambique profond et surprend les gens par mon passage, j’ai toujours droit à des sourires ou à des saluts de main. De mon côté, je ne peux que constater les conditions dans lesquelles ces gens vivent, certains semblent s’en sortir mieux que d’autres mais je constate que certains hameaux sont très isolés. Nous marchons une bonne heure, et croisons des gens qui vont au marché de Cobué pour vendre leur maigre pêche ou récolte. C’est dans tous les cas une marche très intéressante pour moi, qui me permet d’observer au plus près (sans tomber dans le voyeurisme) la vie locale. Je suis quand même content que Neves ait fait le choix de m’accompagner, il est un peu mon sésame pour pouvoir parler avec les gens.

 

Nous ferons halte sur une plage isolée avant de faire demi-tour en direction du Cobué. Il est 11 heures et le soleil cogne très fort. De retour vers l’hôtel, j’attends Neves qui part déjeuner pour que l’on parte après. Pour ma part je saute ce repas, mon estomac dit non au riz. Nous nous mettons en route vers 13 heures sur la piste qui semble encore plus défoncée au retour qu’à l’aller. La remontée de la pente à la sortie de Cobué est intense, et on peut bénir le mode 4×4 sinon ça ne passait pas. Nous aurons la chance de pouvoir croiser des groupes de babouins qui étaient soit dans les bois sur le côté, soit carrément en train de boire dans les flaques sur la piste.

 

Les gens sont toujours aussi chaleureux sur notre passage, les saluts de main sont toujours là. Les enfants s’amusent et profitent de leur dimanche, mais il y a encore du monde qui travaille. Les têtes portent encore beaucoup, et nous doublerons même deux hommes à vélo avec des bouts de bois complètement disproportionnés. A l’approche de Chuwanga, nous croisons un cortège de personnes, et nous comprendrons qu’il s’agit d’une cérémonie de funérailles. Il y a beaucoup de monde, et contrairement à ce qui se fait chez nous, les habits sont très colorés. Ça me fait quand même un pincement au cœur de voir ça.

 

A l’arrivée à Metangula, Neves me laisse à l’hôtel Madalena, celui là même où j’étais venu dîner. Pour ce soir, je ne bouge plus et je suis autonome ici. Le rendez-vous est pris pour demain matin, nous rentrons sur Lichinga car je souhaite voir un peu la ville mais surtout y être la veille de mon départ en avion pour être sûr de ne pas le rater. Il n’y a qu’un avion tous les deux jours, et j’ai un rendez-vous important à honorer : je retrouve Clémence à Nampula le 8 au soir. Je termine cette journée un peu particulière, ce 300ème jour officiel de voyage, ce 300ème texte écrit aussi. Ce genre de passage me fait un petit truc à chaque fois, c’est bête pourtant…