Jour 241 – La route de la mort

Après la montée d’hier, aujourd’hui sera une journée de descente, celle de la (tristement) célèbre route de la mort. La route RN54 qui fut l’unique voie de liaison entre La Paz et Coroico jusqu’en 2006 comptabilisait le sombre record de 250 morts par an en moyenne. Depuis la nouvelle route a été ouverte, et l’ancienne route est devenue un terrain de jeu pour cyclistes. Je devais à la base me reposer aujourd’hui, et faire cette descente demain. Mais hier soir, l’agence m’a informé que la route serait fermée à partir de lundi et jusqu’à nouvel ordre, c’était donc aujourd’hui ou jamais. J’apprendrai dans la journée que la fermeture est due à un blocage des fermiers de la région, producteurs des feuilles de coca, et qui utilisent ce moyen pour protester. Ils veulent pouvoir cultiver autant que leurs voisins d’autres régions du pays, et avoir droit à plus de surface cultivable. Je ne me serais pas attendu à cette raison.

 

Peu importe pour le moment, à 7 heures du matin, je suis prêt devant l’hôtel, un minibus passe me récupérer et avec une partie du groupe nous nous rendons au local de l’agence en bordure de la Paz. Pendant que nous prenons le petit déjeuner, nous remplissons les papiers de décharges et d’assurances, et je fais la rencontre d’un couple de jeunes français qui participe aujourd’hui à la descente, Hugo et Margot. Eux parcourent ensemble l’Amérique du sud pendant 8 mois. Nous voilà tous partis pour le point de départ de la fameuse route, à 4800 mètres d’altitude.

 

Une fois là-haut, je retrouve les sommets enneigés (mais pas autant qu’hier), mais surtout le froid. Nous nous équipons et c’est parti pour 22 kilomètres dans un premier temps, et surtout sur la route réaménagée et goudronnée. Il fait froid, mais nous passons dans un décor magnifique, et c’est un bon échauffement sur une route confortable et large. Au terme de cette première partie, nous rechargeons les vélos sur le toit du minibus pour une dizaine de minutes de remontée, et surtout pour rejoindre le petit village de Chuspipita, le vrai point de départ de l’ancienne route, dite « la route de la mort ». Cette route est la seule du pays sur laquelle le sens de circulation a été inversé, pour qu’en cas de croisement, le conducteur qui descend puisse contrôler plus facilement sa distance avec le bord et le précipice. Aujourd’hui elle est peu empruntée par les véhicules autres que les minibus des agences et les cyclistes, mais il y a quand même quelques irréductibles. En vélo ça passe bien, mais en voiture (ou en bus !), avec parfois des sections de 3,5 mètres de large maximum, et avec des précipices de parfois plusieurs centaines de mètres, il faut avoir le cœur bien accroché. Nous comprendrons plus tard (sur le chemin du retour) que le volume d’accidents qu’il y a eu sur cette route est autant dû au style de conduite bolivien, qui est pour le moins nerveux, voir parfois dangereux, qu’à la route elle-même.

 

Nous avons 44 kilomètres de descente, ça vibre pas mal dans les bras (car la route est en terre et en cailloux plus ou moins gros) et je regrette de ne pas avoir pris un vélo tout suspendu, mais c’est quand même un bon moment de plaisir. Les paysages qui se découvrent au fur et à mesure de la descente sont tous plus beaux les uns que les autres. La route est aussi belle que dangereuse, mais en maitrisant sa vitesse et sa position c’est finalement en toute sécurité que je descends. Nous faisons des arrêts photos le long du parcours, et profitons au maximum du paysage. Je sens le climat changer au fur et à mesure de la descente, il fait de plus en plus chaud et de plus en plus humide. Je retrouve une sensation de chaleur que j’avais oublié depuis le temps que je suis dans les montagnes. La végétation elle aussi évolue beaucoup, et de gigantesques cascades se forment sur les falaises le long de la route, la plupart tombent le long de la route, mais parfois nous passons en dessous aussi.

 

Un peu avant la fin, nous faisons un arrêt à coté d’une tyrolienne, nous devons attendre qu’un couple du groupe la fasse avant de continuer la descente. Je passe l’attente avec Hugo et Margot, tranquillement installé à l’ombre et en profitant de la vue. Après ça, le groupe se scinde en deux, une partie finit le chemin par la route normale, puis avec un guide et l’autre partie du groupe nous passons par un sentier qui coupe la route. Ça descend raide, et sur un terrain rocailleux, mais ça nous offre aussi d’autres points de vue sur la vallée des Yungas. Je dois quand même deux fois sauter de mon vélo mais j’arrive au bout sans une égratignure ! Ouf !

 

La chaleur est intense une fois en bas, nous sommes à environ 1000 mètres d’altitude, soit une descente de 3800 mètres effectuée ce matin ! Le changement de climat est bien perceptible !  Les minibus nous emmènent dans un hôtel restaurant non loin pour déjeuner, il est temps l’après midi est bien entamé. L’endroit possède aussi une piscine, qui est bien salutaire après l’effort. Nous passons une partie de l’après-midi là-bas, normalement cela aurait dû être plus court, mais les guides ont proposé de rallonger le temps imparti, les trois argentins du groupe ont grandement apprécié et ont validé la proposition, nous trois les français, nous n’avons pas eu trop d’avis et avons attendu. Le temps s’éternise un peu sur la fin de l’après-midi, mais le top départ est finalement donné.

 

Nos deux guides semblent avoir profité du temps de repos de l’après midi pour s’en mettre quelques-uns derrière la cravate, ce qui n’est pas super professionnel il faut dire. Nous nous répartissons dans les minibus, nous sommes tous les trois ensembles avec Hugo et Margot, accompagnés d’un guide qui s’endort en quelques secondes tellement il est alcoolisé, le reste du groupe et l’autre guide se réunissent dans le deuxième minibus avec la ferme intention de faire la fête. Notre chauffeur essaie de sauver la face, il fait pour nous quelques derniers arrêts photos sur le chemin du retour. Nous pouvons depuis un point de vue de la nouvelle route voir 70% de la route parcourus sur le flanc de montagne en face, c’est impressionnant. Le retour parait infini, la nuit est bien tombée et la soirée bien avancée quand nous revenons au local de l’agence. Là, le spectacle donné par nos guides et les participants installés dans l’autre minibus est bien triste. Nous aurions au moins aimé que leur attitude d’ivrognes ne nous empêche pas de rentrer tranquillement à nos hôtels, mais ils n’ont pas l’air décidés à nous laisser repartir, ou tout du moins ils ne se rendent plus comptent qu’ils dérangent. Finalement, notre chauffeur parvient à nous ramener, mais cela laisse un goût amer en fin de journée, dommage car elle était pourtant vraiment bien, et c’était une expérience de fou ! Pour ne pas rester sur cette note négative, on se fait un restaurant (mexicain) avec Hugo et Margot, histoire de finir la journée un peu plus positivement. C’est une super rencontre avec eux aujourd’hui, il est possible que nous nous recroisions au Pérou le mois prochain.

 

Jour 240 – Huayna Potosi jour 3

Réveil à 11h30 le soir, je n’ai quasiment pas dormi mais quand il faut y aller, il faut y aller ! On s’équipe tous, surtout avec nos lampes frontales et c’est parti de nuit pour 900 mètres de dénivelé positif jusqu’au sommet. Très rapidement on se rend compte que notre compagnon japonais ne pourra pas y arriver, dès les premiers mètres et alors que nous ne sommes pas encore sur le glacier équipé et de nos crampons, on le voit peiner. Je sais que s’il s’obstine trop et que nous sommes trop loin de refuge aucun de nous ne pourra tenter l’ascension. Je lui demande si vraiment il va bien, il s’obstine à dire oui. Rachel lui demande plusieurs fois aussi, il finira finalement par dire que non il ne peut pas le faire, on sent que pour lui c’était dur à dire. J’attends là où nous sommes que Rachel le raccompagne jusqu’au refuge. Sans sac et avec son expérience, là où il nous aura presque fallu 30 minutes, en 15 minutes elle aura fait l’aller-retour. Pendant ce temps, j’attends dans le noir pour économiser la batterie de ma lampe, et profiter du son de la montagne. C’est une expérience tout à fait fascinante, au bout de quelques minutes mes yeux s’adaptent et je parviens à distinguer le relief. Un chien de passage vient même me faire une petite visite, il est comme sorti de nulle part.

 

Une fois Rachel revenue, c’est à deux que nous prenons le chemin du sommet, d’autres groupes sont déjà devant, à ce moment là il est une heure du matin. Quelques minutes après nous arrivons au pied du glacier, nous chaussons nos crampons et nous nous encordons, c’est parti pour le sommet. S’enchainent des passages raides, un peu moins raides, parfois nous devons monter en escalier, d’autres fois en canard, et une fois sur une paroi de 25 mètres en escalade avec le piolet. La sensation est bizarre, presque oppressante. Je ne vois rien autour de moi, que Rachel devant moi et la neige éclairée par ma lampe, parfois les lampes des autres groupes au loin. L’effort est dur, très dur… Je me motive, au mental surtout pour ne pas lâcher et aller jusqu’au bout, mais froid + altitude + pente sont un combo assez décourageant. Mais le rythme est quand même bon, nous finissons par rattraper notre retard du départ et rejoignons les autres groupes qui font l’ascension. A 6000 mètres et avant la montée finale nous nous payons même le luxe de passer les premiers. A ce moment-là, le soleil commence à peine à poindre avec son halo à l’horizon.

 

Rachel m’annonce 15 minutes de marche pour passer des 6000 mètres où nous sommes jusqu’au sommet. Je me donne un dernier élan de motivation pour réussir, mais ça grimpe fort, et le chemin est une crête qui fait environ 50 centimètres de large, avec de chaque coté un vide abyssal, ce n’est pas rassurant mais je regarde mes pieds et j’avance. A 6 heures du matin pile, enfin nous arrivons au sommet ! Un endroit comme jamais je n’aurais cru en voir, une surface de 20m² un peu en pente avec autour de nous des crêtes enneigées magnifiquement dessinées. Je comprends à cet instant ce qui pousse les férus d’alpinisme à toujours monter, c’est tout simplement magnifique et magique de se retrouver sur un des toits du monde, à 6088 mètres d’altitude ! Nous sommes suspendus au-dessus des nuages, au-dessus des cimes, et au loin nous voyons même la ville de El Alto. Le soleil découvre petit à petit le paysage mystérieux dans lequel nous avons évolué pendant les 5 heures d’ascension.

 

Je suis exténué par la montée, mais il faut maintenant descendre, et ce n’est pas une mince affaire. Le jour s’est levé, le soleil commence à chauffer, et surtout je découvre les pentes enneigées empruntées pendant la nuit, les crevasses et les grottes de glace aussi, tout un environnement insoupçonné jusqu’alors. Mais c’est aussi là que le mal des montagnes fait son apparition, entre la fatigue, le froid restant de la nuit et la neige, mais avec aussi la chaleur du soleil, les 2 heures de descente sont une épreuve vraiment difficile. C’est assez mal en point que j’arrive au refuge, je prends un moment pour me reposer, le fatigue est extrême, le mal de tête aussi, je ne sais plus si j’ai chaud ou froid. Je me fais une infusion de feuilles de coca, depuis deux jours, ce mélange m’aide bien à supporter l’altitude, et je comprends pourquoi les locaux la consomme de façon courante. Je suis toujours fatigué, mais en une heure je reprends des forces, après une collation et le ré empaquetage des sacs nous reprenons le sentier du camp de base, à encore une heure de là.

 

Notre amis Japonais repart avec nous après avoir passé seul la nuit au refuge, il semble finalement moins en forme que nous qui avons marché toute la nuit, il ne semble vraiment pas bien. Je n’ai pas forcement le courage de l’attendre, j’ai envie d’arriver. Le chemin est facilement repérable, Rachel me laisse passer en éclaireur et gère notre ami. Je suis accompagné une bonne partie du chemin par le chien du camp de base qui avait suivi un groupe de marcheurs parti pour l’ascension, je le ramène avec moi vers sa demeure. Nous ne nous attardons pas au refuge, un taxi nous récupère pour nous ramener à la Paz. Le retour est somnolant, mais je profite des paysages et du retour en ville. Nous repassons à l’agence déposer le matériel, puis après avoir remercié tout le monde je m’en retourne à mon auberge de jeunesse, où je vais rester 5 nuits avant de partir pour le Pérou. Je me motive pour faire ce que j’ai à faire, mais j’ai l’impression d’être en fin de journée alors qu’il n’est que midi, et aussi qu’un rouleau compresseur m’est passé dessus. Je finis par faire une longue sieste dans l’après-midi, avant de m’atteler à la mission de mise à jour des posts du carnet de voyages. Je n’ai par contre pas le courage de m’atteler au montage de la vidéo de suite, ce sera pour plus tard. Je réalise à peine ce que j’ai fait aujourd’hui, ce n’est que en l’écrivant que j’en prends vraiment conscience. Je suis allé au bout de moi-même, pour ce qui est probablement une des choses les plus difficiles que je n’ai jamais fait, j’avoue en retirer quand même une certaine fierté. Aussi, il parait quand même que le Kilimandjaro est un peu moins difficile, ça me motive pour notre ascension prévue au mois de mai !

 

 

 

Jour 239 – Huayna Potosi jour 2

La nuit fut fraiche, mais le duvet a été efficace. Ce matin nous restons tranquilles au refuge, notre seule mission est de préparer nos sacs. Il est bien chargé, entre les affaires pour la nuit au second refuge et le matériel d’alpinisme, mais le chemin à parcourir n’est pas très long.

 

Après un déjeuner à une heure qui serait indécente même pour un hôpital, nous partons en direction du second refuge qui se trouve à peu près à 5200 mètres d’altitude, nous allons monter d’environ 380 mètres pour un sentier de seulement deux kilomètres de long. Notre compagnon japonais peine énormément, entre autre parce que son sac est beaucoup trop lourd, il ne s’est pas assez allégé au premier refuge. Son sac est aussi un peu cassé, je lui fais une réparation de fortune avec un des sandows que j’ai tout le temps avec moi. Il semble aussi un peu patraque, je lui donne donc aussi un cachet de la petite pharmacie que j’ai avec moi. Malgré tout, la progression sur le sentier rocailleux se fait très lentement, mais nous faisons de notre mieux avec Rachel pour l’aider à avancer. La communication avec lui depuis hier n’est pas évidente car il parle très mal anglais. Nous faisons une bonne pause au niveau de la petite tente de péage installée au milieu de nulle part avant d’attaquer la deuxième partie qui grimpe très fort, et surtout à moitié dans la neige.

 

Rachel me propose de passer devant pour pouvoir avancer à mon rythme, le chemin est facilement repérable, il n’y a aucune raison que je me perde. J’arriverais avec un petit quart d’heure d’avance, la fin de la montée étant entièrement dans la neige ça m’a un peu ralenti forcement. Notre ami ne parvient d’ailleurs pas à monter le dernier petit mur enneigé, je redescends un peu pour lui prendre son sac, Rachel l’aide lui. Nous pouvons tous nous mettre « au chaud », ou plutôt à l’abri dans le refuge, qui ce soir est entièrement à nous.

 

On se repose pour le reste de l’après-midi, on vide les sacs pour ne prendre que l’essentiel pour l’ascension jusqu’au sommet. On dine à 5 heures de l’après-midi, pour pouvoir avoir un temps de repos et éventuellement de sommeil avant de se lancer dans la marche finale, qui démarrera normalement vers minuit et quelques, pour nous permettre une arrivée au sommet au lever du soleil. Le temps est très couvert en fin d’après-midi, mais une sortie dehors vers 19h me permet de voir le coucher du soleil sur les montagnes et sommets alentours, les nuages sont descendus et ça fait un superbe effet.

 

Jour 238 – Huayna Potosi jour 1

Rendez vous ce matin à l’agence High Lodge Camp, où je retrouve le deuxième participant de l’aventure, Kuruta un japonais (l’orthographe est probablement fausse), et notre guide Rachel, une américaine installée en Bolivie (depuis 5 ans nous diras t’elle). Après quelques arrêts ravitaillements, nous prenons la direction du camp de base qui est accessible par la route (et des pistes) et qui se trouve à 4800 mètres d’altitude.

 

Nous arrivons en fin de matinée, et après un bref déjeuner nous nous équipons, cet après-midi nous allons nous entrainer sur le glacier, ce soir nous dormirons dans ce refuge. Le glacier se trouve à 45 minutes de marche, mais nous avançons dans une purée de pois et sous la neige. Nous arrivons au pied du glacier, sans l’avoir vu venir ! Il est temps de passer à la phase 2 de l’équipement et de mettre les crampons à glace sous les chaussures. Rachel nous enseigne les rudiments pour monter et descendre, en adaptant sa technique à l’intensité de la pente. Nous voilà partis tous les 3 pour pratiquer la marche sur la neige et la glace. C’est une grosse découverte pour moi, et je trouve ça vraiment bien. Nous arrivons devant une pente très raide, nous avons un cours sur une nouvelle technique, c’est presque de l’escalade, je me sens plutôt à l’aise, on ne peut pas en dire autant de notre compagnon japonais, le pauvre a en plus pas mal de souci avec ses chaussures.

 

Nous continuons et nous arrivons en haut d’un mur, pour faire une descente en rappel ! Décidément cette journée commence à bien me plaire. Quitte à être là, et même si nous n’en aurons pas besoin pour l’ascension au sommet, Rachel nous fait pratiquer de l’escalade sur glace, toujours avec nos chaussures à crampon, et avec deux piolets cette fois ci. J’adore ! Je passe un super moment, en plus le ciel décide de se dégager à ce moment-là et le soleil vient nous voir. Par contre, je trouve que c’est au moins deux fois plus fatiguant que l’escalade classique, le fait d’être à 4900 mètres d’altitude doit probablement avoir un impact.

 

De là, nous déchaussons les crampons et redescendons par les roches le long du glacier pour retrouver le chemin. C’était un entrainement bien nécessaire, et très plaisant. Nous retournons « au chaud » au camp de base. Le soleil a fait fondre la neige qui était là à notre départ, cependant le refuge n’a aucun moyen de chauffage, la nuit va être fraiche ! Par contre, nous sommes le seul groupe ce soir pour un gigantesque dortoir, ce qui est sûr c’est que nous n’allons pas nous marcher dessus.

 

 

Jour 237 – La Paz

Je rejoins ce matin le point de rendez vous d’un des Walking tours sur la place devant la basilique San Francisco. Il n’y a pas foule pour la visite, nous partons seulement à deux, avec un péruvien nommé Joaquin et notre guide du jour, Ariel. Nous ne sommes pas seuls sur la place qui commence à se remplir. J’avais reçu un mail du ministère des affaires étrangères qui me prévenait de la journée de manifestation prévue en ce 21 février, mais j’avais un peu oublié. Là, on se retrouve en plein au point de rassemblement du cortège en faveur du président Evo Morales. Pour re situer le contexte, Evo Morales est dans son 3ème mandat, ce qui fait déjà qu’il détient le record de la plus grande présidence en Bolivie. Mais ce dernier veut se représenter une quatrième fois aux élections en 2020 (pour un mandat jusqu’en 2025…). Il a organisé un référendum pour modifier la constitution et avoir le droit de se représenter une 4ème fois. Le non l’a emporté, mais le président a décidé de quand même briguer un nouveau mandat. Il a aussi muselé l’opposition en faisant juger ses adversaires pour divers motifs, en destituant les juges de la cour suprême qui n’étaient pas en sa faveur, entre autres moyens de pression utilisés.

 

Notre guide Ariel est un peu perturbé, pour lui la dictature est en train de revenir à grand pas, et la démocratie qui semblait enfin mise en place est totalement bafouée. Il est particulièrement touché et intéressé par la vie politique, car il nous dit être un descendant direct d’un des acteurs de l’indépendance de la Bolivie et de la Paz, Sagarnaga. C’est d’ailleurs toujours son nom de famille, et aussi le nom d’une des rues célèbres de la ville.  Le tour de la ville prend une dimension assez politique vus les événements qui se déroulent autour de nous. Nous nous déplaçons un peu plus haut dans la ville pour commencer le tour, car le bruit sur la place devant la basilique ne nous permet pas de nous entendre. Nous nous rendons au marché des sorcières. Il y a plusieurs marchés comme ça en Bolivie, celui-ci a un pendant boutiques de souvenirs mais conserve encore l’activité de vente traditionnelle. La magie blanche est une pratique complètement acceptée et normale pour les Boliviens, elle fait partie de leur culture. La magie noire existe aussi, mais elle est condamnée, d’ailleurs la Bolivie est un des derniers pays au monde à avoir condamné des gens pour l’avoir pratiquée. Dans tous les cas, la magie est utilisée pour s’occuper des âmes. Les boliviens croient dur comme fer qu’il doivent s’occuper de leur âme et qu’elle ne doit pas trop s’éloigner de leur corps pour qu’ils restent des humains. C’est d’ailleurs en jouant sur ces superstitions (et les boliviens en ont beaucoup), que les franciscains ont réussi petit à petit à les convertir, en leur faisant croire que leur âme avait élu domicile dans les églises, et que s’ ils lui rendaient visite tous les jours tout se passerait bien. Autre élément en vente sur le marché et essentiel à la pratique de la magie blanche, des fœtus de lamas, oui oui…. Il sont séchés et pendus dans la boutique c’est charmant. Après et c’est plutôt rassurant, aucun de ces fœtus n’est mort de la main de l’homme. Ariel nous apprend que le lama est un des seuls capable de provoquer un avortement seul en mangeant des herbes qui empoisonnent ses bébés. Car la femelle pour survivre à la grossesse, en altitude et à cause du manque d’oxygène, ne peut porter qu’un seul bébé à la fois. Si jamais il y en a plusieurs, sa vie est en danger. Elle le sent s’il y en a plus d’un et elle avorte la portée, elle peut en tenter une nouvelle dans les 4 mois qui suivent. Parfois, les bébés qui naissent sont trop faibles et en fonction de la saison de naissance, ils meurent dans la foulée de l’accouchement. Le lama étant un animal sacré ici, tous ces fœtus et bébés morts sont donc utilisés pour la pratique de la magie blanche, qui est sensée attirer le bon œil et aider à réaliser les vœux de celui qui la pratique.

 

L’arrêt suivant se fait sur la place du général Sucre, devant un bâtiment bien particulier, la prison de San Pedro. Cette prison est unique (pas forcement dans le bon sens) en Amérique du Sud. Ici, les policiers et gardiens restent devant les bâtiments, et la prison est en autogestion par les détenus. C’est une ville dans la ville, chaque prisonnier doit payer un loyer, les plus riches ont des suites, certains vivent avec leur famille, les plus pauvres dorment dans les couloirs, ou dans des box de 4m² entassés à 15. L’article suivant explique très bien ce qui s’y passe, bien mieux que je ne pourrais le résumer : http://www.liberation.fr/grand-angle/2007/07/04/san-pedro-le-village-prison_97569

 

Ariel nous explique aussi, que certains baros de la drogue présents ici peuvent continuer en toute impunité leur trafic, et même préfèrent le faire d’ici. Il sont protégés par les policiers à l’entrée, bénéficient d’une suite tout confort, et sortent quand ils veulent. Les prisonniers de luxe ont même une entrée à part, et un accès direct à la banque voisine. Tout ce système est bien hallucinant, mais à l’image d’un pays dirigé par un homme soupçonné d’être trafiquant de drogue lui-même, un vice-président ayant purgé pour sa part une peine de 5 ans en prison de haute sécurité pour des attaques à la bombe, et puis d’un pays rongé par la corruption et les intérêts personnels des politiques. Ariel parait bien dépité en nous expliquant tout ça. C’est un peu un choc pour moi de voir l’envers du décor de ce magnifique pays qui a pourtant tant à offrir.

 

Notre dernière étape se passe sur la Plaza Murillo. Sur cette place se situe le kilomètre zéro du pays, et autour se trouvent entre autres la cathédrale, le congrès et le palais présidentiel. A l’arrière du palais présidentiel dans lequel Evo Morales ne vient que travailler (car trop de présidents se sont fait assassiner dedans), ce dernier fait construire un gigantesque immeuble (immonde au demeurant), pour en faire sa nouvelle résidence. Cet immeuble ne sera pas encore fini en 2020, et il y a peu de chance qu’il le fasse construire pour son successeur… si ce n’est pas une nouvelle preuve qu’il compte squatter le pouvoir encore un moment (d’après Ariel). Le palais présidentiel actuel, a été démonté pièce par pièce et transporté depuis Sucre quand la gestion administrative du pays a été déplacée, suite à une tentative de coup d’état des élites de la ville de Sucre. Malgré tout, la modification constitutionnelle pour le changement de capitale n’ayant jamais été faite, légalement parlant il est anticonstitutionnel que les instances gouvernementales soient à la Paz, mais le pays n’est pas à une contradiction près ! Concernant le congrès, c’est un beau bâtiment, et ce qui interpelle, c’est l’horloge sur le fronton qui est construite « à l’envers ». C’est une autre lubie du président, qui veut par ce geste combattre l’ordre établi par les nations de l’hémisphère nord. En effet, nos horloges sont comme elles sont car elle ne font que reproduire le sens de rotation d’une horloge solaire. Hors dans l’hémisphère sud une horloge solaire tourne dans le sens inverse du nôtre, d’où l’horloge un peu révolutionnaire présente sur le congrès.

 

Je laisse là Ariel et notre compagnon péruvien, je cherche à déjeuner dans le quartier. Nous sommes en bordure des cortèges et le quartier est entièrement bouclé par les policiers et les forces d’interventions spéciales, je dois dire que je ne suis vraiment pas à l’aise avec l’ambiance à ce moment-là, et en même temps j’ai l’impression d’être un observateur de l’histoire. Je n’aurais probablement jamais pu avoir l’information, tout du moins aussi détaillée de ces événements lointains sans être présent ici. La pluie fait son arrivée et dissémine un peu la foule, j’en profite pour repasser de l’autre côté du cortège et retourner dans le quartier de l’hôtel. Je passe un bout de l’après midi à organiser et réserver différentes sorties pour occuper la fin de mon séjour bolivien, puis je retourne à l’hôtel. Je m’y sens un peu plus en sécurité, au loin on entend encore le rugissement de la foule, et les pétard qui explosent sans cesse. Je me dis que je vais de surprise en surprise en Bolivie, en prévoyant un mois de visite ici, j’étais loin de m’attendre à tout ce que j’y ai découvert.

 

 

 

Jour 236 – De l’Isla del sol à La Paz

Je repars en sens inverse, avec en premier le petit bateau qui me ramène à Copacabana. De là, le timing est parfait car je descends du bateau pour monter dans le bus qui part dans la foulée. La première partie de trajet jusqu’au traversier entre le Titicaca supérieur et le Titicaca inférieur est tranquille, car le bus est à moitié plein. Il n’en est pas de même de l’autre côté, le bus se rempli à toute vitesse et je me retrouve coincé entre une mama bolivienne et la fenêtre pendant un long moment.

 

A l’approche d’El Alto, le bus commence à se vider, je peux changer de place pour respirer un peu. Puis une fois dans la commune d’El Alto le bus s’arrête tous les 100 mètres pour déposer un passager, si bien que nous ne sommes plus que quatre lorsqu’il attaque la descente vers la Paz. On ne peut pas dire que l’arrivée à la Paz soit jolie, c’est embouteillé, plutôt sale, les bâtiments en briques rouges ne semblent pas finis. Mais par contre on peut dire que c’est sacrément impressionnant comme vue ! En arrivant de l’altiplano à 4000 mètres d’altitude, il est absolument impossible d’observer et d’anticiper la gigantesque cuvette urbanisée de La Paz, avec derrière elle les sommets enneigés de la cordillère royale et de la cordillère orientale, la ville se découvre soudainement. Je découvre les différents téléphériques qui parcourent la ville, chacun à une couleur de cabines, et ils servent de transport en commun dans les rues ultra pentues de la ville.

 

Le bus fait son dernier arrêt au niveau du cimetière général de La Paz, après une bonne descente dans les rues de la ville qui sont un véritable labyrinthe. Je prévois de continuer à pied pour rejoindre mon auberge de jeunesse réservée pour les 2 prochaines nuits et qui n’est qu’à deux kilomètres d’ici, et 150 mètres plus bas. Sur les 4 passagers du bus restant, il y a une touriste coréenne, un peu perdue à l’arrivée. Elle se joint à moi, et surtout à ma carte et au GPS pour rejoindre le centre-ville. Dans la descente vers le centre, je découvre une ville bouillonnante d’activité, les trottoirs sont noirs de monde. Je suis impressionné par les bus de ville Dodge aux couleurs flamboyantes !

 

Une fois installé, je me mets en quête des agences de trek repérées pour m’organiser une sortie de 3 ou 4 jours dans les montagnes avoisinantes. Les deux agences repérées dans le routard sont fermées, l’une probablement parce qu’il est trop tard, l’autre n’a carrément plus de bureau. Par chance je tombe dans la rue des agences, je choisis un peu au hasard, mais en vérifiant les commentaires sur internet d’abord. L’agence dans laquelle je me rends est spécialisée dans l’ascension du Huayna Potosi, un sommet qui culmine à 6088 mètres et qui se situe non loin de la Paz. Le couple de hollandais rencontré hier m’en avait parlé, et ils avaient l’air plutôt emballés. Je me lance donc moi aussi dans l’aventure, départ jeudi matin pour 3 jours et 2 nuits pour gravir ce sommet, techniquement facile et donc accessible même sans être un alpiniste chevronné. Bon, l’agence me prête quand même de l’équipement un peu plus adapté que mes seuls vêtements de randonnée, et c’est tant mieux !

 

Le trajet en bus m’aura donné le temps de monter la vidéo de mon séjour à l’Isla del Sol, voici le lien :

 

 

Jour 235 – Isla del sol

Réveil matinal pour partir tôt sur les chemins de l’île. Le programme est ambitieux, une vingtaine de kilomètres pour faire le tour de l’île en passant par le sentier des crêtes et au nord avant de rentrer par la côte. L’objectif est aussi de partir avant l’arrivée des premiers bateaux. Je me refais la même ascension qu’hier pour atteindre le haut du village, avec un peu moins de peine j’en suis ravi, mon acclimatation à l’altitude semble se faire. Une fois sur la crête, j’emprunte le chemin en direction du nord, il est en bon état, le temps est bon, mon humeur est au beau fixe. Un kilomètre plus loin, je passe à coté de la billetterie, mais elle n’est pas encore ouverte, je me dis « chouette » ce sera gratuit ! Enfin c’est ce que je crois, mais un homme me court après et me rattrape.

 

Il m’annonce que le chemin est fermé et que la partie nord de l’île, enfin correction 9/10ème de l’île est strictement interdite aux touristes. Je fais un tour d’ascenseur émotionnel, après le bon démarrage de ce matin c’est un peu la douche froide, tout mon programme de la journée tombe à l’eau. Mais aussi la raison pour laquelle je suis resté deux jours sur l’île, et puis la partie nord est ultra réputée et ce n’est pas tous les jours que je pourrais venir ici. J’ai un peu de mal à me contenter du seul non du gardien pour faire demi-tour sans discuter. J’essaie de comprendre pourquoi. Le gardien lui monte un peu en pression, car il pense que je ne comprends pas qu’il m’interdit le passage, il me prend même en photo pour éventuellement l’envoyer à d’autres gardiens. L’ambiance est un peu tendue, mais je suis content d’avoir réussi à retrouver des mots d’espagnol, c’était le bon moment. Selon lui, il y a des tensions entre communautés à cause de la présence des touristes, car certains se sont mal comportés vis-à-vis des ruines incas et de l’île. Aussi, la communauté plus au nord aurait incendié des maisons. Mon interlocuteur, Esteban de son nom, s’avère un peu plus courtois et causant au fur et à mesure de la discussion. Je passe un petit moment avec lui, à parler de sa terre, de l’importance de l’île, de la Pachamama (la terre mère) pour son peuple. Il essaie de m’apprendre quelques mots de sa langue, il ne parle espagnol qu’avec les touristes et les autres communautés. Nous parlons de la nature, je lui montre que je suis respectueux et que j’aime y passer du temps et marcher. Il semble avoir une dent contre les gringos « corrompus » par l’argent selon lui. J’arrive à lui montrer qu’il ne doit pas me mettre dans cette case. Il me dit que les descendant d’incas ont encore le droit de fouler la terre, je crois presque qu’il va m’y autoriser à passer, mais non. Il m’autorise par contre à grimper sur le sommet voisin, et à m’installer dessus pour la journée si je veux pour méditer.

 

Je prends cette offre, c’est mieux que rien. Je grimpe sans suivre réellement de sentier, la végétation peu dense, et les étages naturels ou artificiels (pour les cultures en étages) du flanc de la montagne m’aide. Une fois au sommet, je découvre effectivement une vue magnifique ! Je profite un moment, mais je n’ai pas du tout envie de méditer toute la journée, et je suis frustré d’être bloqué dans mon avancée. Je fais quelques recherches pour essayer de mieux comprendre le problème. Je trouve des infos comme quoi le nord est accessible, et pas dangereux comme Esteban me l’a dit. D’autres informations confirment l’inaccessibilité. Je comprends aussi que le problème d’origine est la répartition de la manne financière rapportée par le tourisme entre les communautés. J’avais un peu de mal à croire le beau discours d’Esteban sur le fait que l’argent leur est inutile, et qu’ils vivent de leur travail agricole uniquement. Après tout, avant la fermeture des sentiers il y avait des taxes pour pouvoir les emprunter. Comme expliqué, il y a eu des incendies criminels et ils ont vraisemblablement déclenchés il y a un an ces mesures restrictives. Je comprends que les différentes communautés n’ont plus vraiment de relations. Celle du sud garde les touristes, celle du milieu contrôle et bloque le passage pour priver celle du nord, dont certains membres sont à priori responsable des incendies. Je lis que si j’arrive à rallier le nord, je pourrai rentrer sans encombre, je me dis aussi que dès ce matin j’aurais dû me rendre au nord en bateau et rentrer à pied.

 

Maintenant que je suis là, et après la lecture d’un témoignage qui semble dire que c’est possible, je tente d’avancer et de rallier le chemin de la crête en évitant les checks point et les villages, pour rester éloigné au maximum de la population. J’ai un peu l’impression d’être un agent secret en mission, j’avance en essayant de me faire le plus discret possible. Ça marche, un moment, et je profite du merveilleux environnement dans lequel j’avance. Je me dis juste qu’à cette allure je ne suis pas arrivé. J’arrive à éviter les éleveurs que je croise, pendant un moment, je me fais finalement repérer par un vieil homme. Il me demande de l’attendre mais je sais ce qu’il va me dire, j’essaie d’éviter la confrontation mais il ne lâche pas l’affaire. Il me dit ce que je sais, j’essaie de m’en dépatouiller pour continuer mon avancée, mais il me menace carrément. Je lui dis que je vais rallier le chemin et rentrer au sud, car ses gestes n’étaient pas équivoques, les menaces étaient très claires. J’avais envie de voir l’autre côté de l’île mais quand même. Surtout que j’ai lu qu’une Coréenne avait été assassinée en janvier, j’arrête de jouer et je fais demi-tour. Je continue l’ascension pour rejoindre le chemin, je suis mis en échec mais je n’ai pas envie de repasser devant Esteban en venant du chemin qu’il m’a interdit d’emprunter, je tente de faire le tour pour l’éviter, mais trop tard il m’a repéré et me rejoint…. Je suis bien pris en faute et un peu piteux, je ne suis pas forcément fier de ma décision pour le coup. Je m’excuse auprès de lui, et lui dit que je revenais vers lui de toute façon, il ne semble pas m’en tenir rigueur, du moment que je le suis. Au passage il me montre des éléments naturels que je n’aurais pas pu voir si je n’avais pas avancé jusqu’ici, il est bon joueur quand même.

 

Une fois revenu à sa cahute, je me pose un peu le temps de décider comment je vais occuper le reste de la journée. A ce moment-là, un couple de touristes (hollandais j’apprendrai après) arrive. Ils ne parlent pas trop espagnol, je leur fais en anglais le résumé du problème et leur explique pourquoi ils ne peuvent pas continuer. Esteban me regarde du coin de l’œil pendant que je leur explique, surement satisfait de ne pas avoir à le faire. Puis, il m’appelle et m’invite à déjeuner avec lui et le groupe avec lequel il est. Tout le monde est installé autour de la nourriture dans l’herbe, au milieu de cochons et des moutons qui gambadent. Il me dit d’appeler le couple de hollandais aussi, et nous nous installons tous pour partager leur repas, qu’ils nous offrent de bon cœur. Je passe un super moment avec eux, c’est complètement improbable après les événements de la matinée.

 

Après le repas, nous remercions chaleureusement nos hôtes, et repartons tous les 3 en direction du sud. Arrivés au village, nous nous séparons, le couple de hollandais redescend vers le port de Yumani, je descends pour ma part de l’autre coté vers le port situé dans une petite crique que j’ai observé hier depuis le sommet. La descente est agréable, je passe un moment à flâner en bas, je fais un peu trempette dans le lac, enfin juste les pieds parce qu’elle est quand même super froide ! L’endroit est très calme, peu fréquenté, que ce soit par les locaux ou les touristes. La remontée est moins drôle, mais il n’y a pas d’autres chemins pour repasser de l’autre coté et rentrer à l’hôtel pour y finir la journée. Je rentre quand même avec un sentiment bizarre, le fait d’être sur une île est déjà particulier en soit, mais j’ai l’impression que l’interdiction de pouvoir aller où j’ai envie me fait un peu sentir emprisonné. Je vais passer ma dernière soirée tranquillement à l’hôtel, et malgré les magnifiques paysages que j’ai pu découvrir pendant mon séjour ici, je suis content de partir demain pour La Paz.

 

 

Jour 234 – Isla del sol, le lac Titicaca

Sortie de lit difficile vu le froid dans la chambre, dehors le soleil sort et il fait presque plus doux qu’à l’intérieur. La ville est déserte et rien n’est ouvert, c’est même compliqué de trouver un endroit pour petit déjeuner avant de prendre le bateau. A l’heure du rendez-vous, le quai se remplit, puis les bateaux se remplissent aussi à la chaine pour partir tous à peu près en même temps.

 

La Isla del sol n’est distante que de 15 kilomètres de Copacabana mais il faut une heure trente pour s’y rendre. Les bateaux n’ont pas des moteurs très puissants et l’avancée se fait très lentement, j’ai bien le temps de profiter du paysage et du lac Titicaca. Après l’orage d’hier soir, le temps est aujourd’hui au beau fixe, et cela renforce la sensation provoquée aussi par l’étendue d’eau de naviguer sur une mer, et non un lac. C’est assez fou de se retrouver à cet endroit, je pense que le nom de Titicaca est presque universellement connu, c’est tout de même le plus grand lac d’altitude navigable, et ses fonds frôlent les 230 mètres de profondeur. Au débarcadère, c’est paiement de taxe pour tout le monde, puis je monte vers l’hôtel pour déposer mes affaires. Je me félicite d’avoir pris un hôtel au port, et pas dans le village de Yumani car ça grimpe direct, et fort !

 

La vue depuis la terrasse de l’hôtel est fort agréable, et comme la journée est déjà entamée, je prends le temps de m’installer et de profiter des lieux. Mon objectif du jour est de découvrir la pointe sud de l’île, et surtout de continuer mon acclimatation à l’altitude. Je redescends faire un arrêt ravitaillement pique-nique au port avant d’attaquer l’ascension vers le village par l’escalier de l’Inca. Deux statues d’Incas font l’accueil au pied, et c’est parti pour monter par les marches, et c’est rude ! Il me faudra un bon moment pour atteindre le haut du village, tantôt par des escaliers tantôt par le chemin. Je prends 150 mètres d’altitude en 900 mètres de distance, le tout à plus de 3800 mètres d’altitude, autant dire que ce n’est pas une mince affaire ! Une fois en haut, il ne me reste plus qu’à suivre le sentier de crête qui traverse un petit bois puis qui continue à découvert en pente douce jusqu’au sommet. Et là, quelle vue ! C’est tout simplement sublime ! Je passe un bon moment là-haut à profiter de la vue sur l’île, sur la presqu’ile de Copacabana, le lac Titicaca bien sûr, et aussi sur la cordelière royale enneigée au loin.

 

Je continue ensuite mon chemin vers la pointe sud, le sentier à flanc est super agréable pour marcher. Au milieu de nulle part, deux ânes paissent tranquillement. L’un d’eux est tout poilu (peut-être est-ce une mule je ne suis pas sûr), et je ne résiste pas à le caresser un peu. Il se laisse faire et semble même apprécier, j’en profite et on se fait même une petite séance photo tous les deux. Arrive à ce moment là un (tout) petit garçon avec son troupeau de moutons et d’ânes. J’arrive à échanger trois phrases avec lui en espagnol puis je reprends mon chemin vers la pointe sud. Une fois arrivé, je m’offre une petite pause contemplation avant de faire demi-tour pour me rendre sur des ruines de maison incas qui sont juste à côté. Ça descend sérieux pour rejoindre les ruines, qui sont d’ailleurs en plutôt bon état. L’île était un haut lieu Incas, car elle est considérée comme le lieu de naissance de la fille et du fils du dieu soleil. Le lac lui-même avait aussi une grande signification religieuse pour eux. Des ruines, je peux accéder à une petite plage et au bord de l’eau. C’est l’occasion de tester la température de l’eau, et c’est frais ! J’ai lu qu’elle était en moyenne à 7° sur l’année. Par contre, la température au soleil est très agréable, je me pose pour lire et puis au final, je me fais une petite sieste.

 

Il faut ensuite remonter pour rejoindre le sentier, ça tire après la sieste ! Je rentre à l’hôtel, et profite des derniers rayons de soleil qui chauffent encore un peu. Le coucher de soleil offre une magnifique lumière sur les sommets enneigés de la cordelière royale, qui s’est un peu dégagée et que je peux découvrir encore mieux. La nuit tombe, et le froid avec…. Je traine dans la partie restaurant de l’hôtel pour diner, profiter de la connexion et écrire. Je me suis un peu lâché pour les photos qui accompagnent le texte aujourd’hui, je n’ai pas réussi à faire un choix limité parmi la centaine d’images du jour. J’ai aussi pris le temps de faire le montage vidéo de mon séjour à Sucre, voici le lien :

 

 

 

Jour 233 – De Sucre à Copacabana

Je quitte la ville douce de Sucre de bon matin. Je me rends à l’aéroport international de la ville qui se trouve à une heure de route. Pour y aller, j’emprunte un des minibus qui assure régulièrement la liaison mais qui ne part qu’une fois plein, c’est pour ça que j’ai préféré prendre de la marge. Le trajet en avion se fait cette fois ci avec un appareil d’une taille normale, et le temps clair me permet d’avoir une belle vue sur les montagnes de la région de Sucre.

 

A l’approche de La Paz, je découvre le célèbre altiplano. Difficile d’imaginer que le plateau qui s’étend à perte de vue est en moyenne à 4000 mètres d’altitude. L’aéroport international se situe en réalité dans la commune de El Alto. La Paz elle se situe dans une cuvette créée par deux cordillères et elle est par conséquent un peu moins élevée en altitude. Les deux villes ont chacune 1 millions d’habitants, ce qui en fait les deuxièmes ville ex aequo du pays, après Santa Cruz à la première place. Après un vol express de 45 minutes (contre près de 20h si je l’avais fait en bus), je sors de l’aéroport avec comme objectif de rallier la gare routière de la Paz. Tous les taxis me tombent dessus, et d’après leur dire il n’y a pas de bus pour aller en centre-ville (évidemment). Le tarif proposé n’est pas celui indiqué sur les panneaux officiels et le doyen des chauffeurs m’interpelle de façon un peu condescendante en me disant que si j’ai les moyens de prendre l’avion, je peux payer le prix qu’ils me demandent ! La réflexion et le ton employé me laisse un peu sans voix, et je ne sais pas par quel moyen m’en dépatouiller, quand un autre chauffeur sorti de nulle part me propose un prix plus attractif et me sort de cette situation un peu délicate.

 

Quand je lui explique que je ne m’attarde pas à la Paz et que je pars directement à Copacabana, il me dit que je gagnerai du temps à me rendre à la gare routière de El Alto qui est sur la route, plutôt que de descendre dans la cuvette pour en ressortir aussitôt. La ville est pas mal embouteillée, et le trajet qui est court en distance prend pas mal de temps, ce qui me permet de pouvoir avoir une discussion intéressante avec mon chauffeur qui est plutôt bavard. J’apprendrais à cette occasion que 70% de la population de El Alto est d’origine indigène, contrairement à la population de La Paz qui est très multiculturelle, avec en majorité des descendants des colons européens d’antan. Une fois arrivé à la gare routière, je ne peux que remercier mon chauffeur pour sa suggestion d’itinéraire car les départs de bus pour Copacabana se font à la chaine. Il faut attendre que le bus se remplisse un peu, mais en à peine une heure c’est le cas et nous prenons la route. J’ai cru un instant que j’allais avoir deux sièges pour moi, mais une mama bolivienne s’installe à coté de moi juste avant le départ, et je ne sais pas si c’est elle ou ses 14 couches de vêtements, mais elle empiète largement sur ma place et je me retrouve installé de façon un peu bancale. Les départs depuis El Alto semblent plus utilisés par la population locale car je me retrouve à être le seul et unique touriste du bus, je suppose que les autres partent du centre-ville de La Paz.

 

Le réveil tôt aura raison de moi et je m’endors une bonne partie du trajet, mais je me réveille au bon moment, quand nous commençons à longer le lac Titicaca ! J’ai presque l’impression d’arriver en bord de mer tellement l’eau s’étend à perte de vue ! Soudain, nous arrivons dans un petit village au bord du lac, le chauffeur fait descendre tout le monde. Je comprends que nous devons traverser un bras du lac, le bus traverse à vide sur des grande barques qui ne sont pas de première jeunesse, et les passagers le font par des petits bateaux qui assurent la navette entre les deux rives. En réalité nous ne nous rendons pas sur une île au sens géographique du terme, mais la partie de la Bolivie où se trouve Copacabana n’est liée par la terre que par la frontière péruvienne. Emprunter ce bac évite de devoir faire les formalités de traversée de frontière en restant en Bolivie. Le tracé de la frontière a tout de même créé une sorte d’isolement. Une fois sur la rive opposée, le bus se vide petit à petit au fur et à mesure que les passagers demandent des arrêts, parfois au milieu de nulle part !

 

A l’arrivée à Copacabana, la fête du Carnaval est encore d’actualité et la petite ville semble en ébullition. Je me rends à l’hôtel déposer mon sac, mais là mauvaise surprise. Ce dernier a bien reçu ma réservation, mais il n’a pas de chambre libre malgré ce qui m’a été dit… C’est un peu la déconvenue, je reprends mes affaires et je pars à la chasse. Je n’ai heureusement pas trop à chercher avant de trouver un endroit convenable et assez central, je ne fais pas trop la fine bouche vu le nombre de backpackers que je croise dans la rue et qui sont eux aussi à la recherche d’une chambre, et surtout parce qu’avec le carnaval qui dure, il y a beaucoup de monde en ville ! Je fais ensuite un tour, dans un premier temps au bord du lac, pour acheter mon billet de bateau pour demain matin, et découvrir aussi le port de Copacabana et les dizaines de pédalo Donald Duck alignés sur la plage (ça ne fait pas trop local ça !). Je vais ensuite sur la place ou sont installées deux grandes scènes avec des installations techniques comme je n’en ai pas vues depuis longtemps ! La musique est à fond, peut-être même trop, je pense que la limite de 105db que nous avons dans nos règles n’est pas appliquée ici. Les groupes de musique sont entrain de jouer, et des centaines de danseurs en costumes plus colorés les uns que les autres s’en donnent à cœur joie ! La scène est complétée par les dizaines de petits stands de grillades qui sont étalés sur la place. Je fuis devant le volume sonore pour remonter un peu plus dans la ville. La, j’y découvre une deuxième ambiance plus fanfare, mais surtout j’y découvre l’immense Basilica Virgen de Copacabana. On ne peut pas la rater avec sa blancheur et ses multiples dômes. Le Vierge de la Candelaria est la sainte patronne des policiers, et de la Marine qui se partagent ses faveurs en fonction des fêtes. L’intérieur est richement décoré, mais il est formellement interdit de prendre des photos, surtout de l’idole de la sainte qui prend ici le visage d’une princesse inca. Pour faire un aparté, le lac Titicaca est le siège de la marine Bolivienne, depuis que le pays a été privé d’accès à l’océan par le Chili lors de sa défaite dans la guerre du pacifique.

 

Je ne traine pas beaucoup plus en ville, et reste dans ma chambre ce soir. Il y fait très frais, je sens que je suis à 3900 mètres d’altitude. Le propriétaire n’a pas de chauffage à me prêter, je me demande comment ils font en hiver ! Je n’aurai droit qu’à une couverture en plus, mais je suis bien content d’être à l’abri, car l’orage qui était au loin sur le lac vient s’abattre sur la ville. Cela fait d’ailleurs taire un instant la musique qui était toujours à fond depuis mon arrivée.

 








Jour 232 – Sucre #2

Démarrage en douceur, puis en fin de matinée je repars en visite avec Gaultier. Nous commençons par le Museo National de Etnografica y Folklore. Le nom est bien trouvé, et nous en apprenons un petit peu plus sur l’assimilation du christianisme et le mélange avec le paganisme, entre autres avec l’évolution des idoles. Une autre exposition est elle dédiée aux femmes boliviennes, et principalement aux habits traditionnels et aux ornements et apparats utilisés.

 

Nous faisons ensuite un tour dans les rues du centre avant d’aller déjeuner. Gaultier retourne ensuite à l’hôtel pour son cours d’espagnol de l’après-midi. Je traine un peu au café en attendant 14 heures et la réouverture des musées. Dans un premier temps, je me dirige au Conveto et Templo de Santa Clara et son musée. Je suis le seul visiteur, et dans un premier temps j’ai droit à une visite guidée privée en espagnol. Je suis content car mon interlocutrice fait l’effort d’articuler et de parler lentement, ce qui me permet de tout comprendre ! Je découvre un lieu reposant et préservé de l’agitation citadine environnante. L’endroit fut ouvert il y a peu de temps au public, car les fonds des entrées sont nécessaires pour la restauration et le maintien en état des bâtiments. Après le musée, je découvre le cloitre et son jardin. Seuel une petite partie est accessible car il y a encore 25 sœurs de l’ordre de Santa Clara qui vivent et officient dans les lieux. L’ordre de Santa Clara est entièrement féminin, son pendant masculin est l’ordre Franciscain. D’ailleurs, les messes sont célébrées par un prêtre franciscain et non par la mère supérieure comme je l’aurais imaginé. La suite de la visite se fait dans le temple magnifiquement entretenu, et dans lequel je découvre entre autres dorures et statues un orgue d’époque et encore en fonction. Il fut restauré par une équipe française il y a quelques années, et nécessite 2 personnes pour actionner le soufflet en plus du musicien qui officie. Je suis vraiment satisfait de cette visite, il est difficile de retranscrire à l’écrit tout ce que j’ai pu voir, mais rien que le fait de me sentir un peu plus à l’aise en espagnol, et de pouvoir poser des questions est important pour moi. Le cloitre et son ambiance reposante m’ont aussi pas mal marqué.

 

Je continue sur le thème religieux de la journée, qui est bien involontaire mais la ville de Sucre semble particulièrement fournie en édifice de ce type, et je me dirige au musée de la Cathédrale. Cette dernière est la plus importante du pays, elle fut avant l’indépendance de la Bolivie le siège du catholicisme d’une grande partie d’Amérique du Sud (Argentine, Uruguay, Paraguay, le Sud Pérou, et le Haut Pérou qui est la Bolivie actuelle). Je me retrouve seul visiteur et j’ai encore le droit à une visite privé (la chance !). Mon interlocuteur fait l’effort de se faire comprendre et s’avère assez intéressant et intarissable sur le sujet. En plus du rôle religieux de Sucre, j’en apprend un peu plus sur l’évolution du catholicisme face aux croyances anciennes, c’est un bon complément de la visite au musée ethnographique de ce matin. J’ai aussi enfin une explication sur la présence en quantité de sang sur les idoles religieuse en Amérique du Sud. Les « Jésus » et autres représentations sont assez « gore » ici contrairement à ce qu’on peut voir en Europe. Au moment de l’évangélisation, une part importante de la population était illettrée, seules les images pouvaient servir de support aux prêtres pour l’enseignement de la nouvelle religion qu’ils voulaient imposer. Pour faire appel à l’empathie des gens, et les sensibiliser à la douleur et au supplice du christ (et autres idoles et statues), ils ont grossi les traits exagérément et volontairement. J’apprends aussi que la séparation de l’église et de l’état en Bolivie n’est en place que depuis 2010 et le vote de la nouvelle constitution. Malgré au moins 70% de la population qui se revendique catholique, l’état est officiellement et ce depuis 8 ans seulement un état laïque. Après avoir visité les chapelles adjacentes, et découvert la célèbre Virgen de Guadalupe et ses multiples pierres précieuses ornementales, je finis la visite par la cathédrale elle-même. Mon guide me donne les dernières explications et je me glisse à l’intérieur alors qu’une messe est en cours. Au final, la cathédrale reste moins impressionnante que l’église Santa Clara visitée juste avant. L’extérieur est pour ainsi dire plus imposant et significatif que l’intérieur qui a reçu un lifting néo-classique qui n’est pas des plus heureux.

 

Je rentre ensuite à l’hôtel une bonne heure en attendant que Gaultier finisse son cours de l’après-midi, puis nous nous rendons sur les hauteurs de Sucre dans le quartier de Recoleta. Ça grimpe sévère pour y accéder, et je sens qu’on est en altitude. Là-haut je découvre une grande place envahie de jeunes collégiens en uniforme tout juste sortis de leurs études et qui profitent de leur temps libre. La place est très belle, avec au centre sa fontaine et elle est dominée par le Templo Santa Anna et le Convento de la Recoleta. Une coursive couverte qui invite à la détente et à la contemplation est installée en bord de place. De là nous pouvons observer la place, mais surtout il y a un point de vue imprenable sur la ville, et sur les montagnes avoisinantes. Malgré tout, ce soir le temps est nuageux et nous ne voyons pas aussi loin que ce qui est possible par temps clair. Cela n’enlève rien à la belle vue et à l’atmosphère du lieu qui est très agréable. Nous redescendons par les marches vers le centre-ville. Au passage, nous découvrons un petit parc installé au milieu de ces dernières. Au fil des rues, nous tombons aussi sur de vieux véhicules (qui seraient de collection pour nous) Volkswagen en superbe état, dont plein de coccinelles !

 

Il ne nous reste plus qu’à aller dîner car la nuit est tombée, après un second essai infructueux au restaurant vénézuélien du quartier, nous nous rendons au restaurant Florin, institution reconnue de la ville. Nous passons une très bonne soirée et un très bon repas avant de retourner à l’auberge qui est déjà bien endormie quand nous arrivons.