Jour 241 – La route de la mort

Après la montée d’hier, aujourd’hui sera une journée de descente, celle de la (tristement) célèbre route de la mort. La route RN54 qui fut l’unique voie de liaison entre La Paz et Coroico jusqu’en 2006 comptabilisait le sombre record de 250 morts par an en moyenne. Depuis la nouvelle route a été ouverte, et l’ancienne route est devenue un terrain de jeu pour cyclistes. Je devais à la base me reposer aujourd’hui, et faire cette descente demain. Mais hier soir, l’agence m’a informé que la route serait fermée à partir de lundi et jusqu’à nouvel ordre, c’était donc aujourd’hui ou jamais. J’apprendrai dans la journée que la fermeture est due à un blocage des fermiers de la région, producteurs des feuilles de coca, et qui utilisent ce moyen pour protester. Ils veulent pouvoir cultiver autant que leurs voisins d’autres régions du pays, et avoir droit à plus de surface cultivable. Je ne me serais pas attendu à cette raison.

 

Peu importe pour le moment, à 7 heures du matin, je suis prêt devant l’hôtel, un minibus passe me récupérer et avec une partie du groupe nous nous rendons au local de l’agence en bordure de la Paz. Pendant que nous prenons le petit déjeuner, nous remplissons les papiers de décharges et d’assurances, et je fais la rencontre d’un couple de jeunes français qui participe aujourd’hui à la descente, Hugo et Margot. Eux parcourent ensemble l’Amérique du sud pendant 8 mois. Nous voilà tous partis pour le point de départ de la fameuse route, à 4800 mètres d’altitude.

 

Une fois là-haut, je retrouve les sommets enneigés (mais pas autant qu’hier), mais surtout le froid. Nous nous équipons et c’est parti pour 22 kilomètres dans un premier temps, et surtout sur la route réaménagée et goudronnée. Il fait froid, mais nous passons dans un décor magnifique, et c’est un bon échauffement sur une route confortable et large. Au terme de cette première partie, nous rechargeons les vélos sur le toit du minibus pour une dizaine de minutes de remontée, et surtout pour rejoindre le petit village de Chuspipita, le vrai point de départ de l’ancienne route, dite « la route de la mort ». Cette route est la seule du pays sur laquelle le sens de circulation a été inversé, pour qu’en cas de croisement, le conducteur qui descend puisse contrôler plus facilement sa distance avec le bord et le précipice. Aujourd’hui elle est peu empruntée par les véhicules autres que les minibus des agences et les cyclistes, mais il y a quand même quelques irréductibles. En vélo ça passe bien, mais en voiture (ou en bus !), avec parfois des sections de 3,5 mètres de large maximum, et avec des précipices de parfois plusieurs centaines de mètres, il faut avoir le cœur bien accroché. Nous comprendrons plus tard (sur le chemin du retour) que le volume d’accidents qu’il y a eu sur cette route est autant dû au style de conduite bolivien, qui est pour le moins nerveux, voir parfois dangereux, qu’à la route elle-même.

 

Nous avons 44 kilomètres de descente, ça vibre pas mal dans les bras (car la route est en terre et en cailloux plus ou moins gros) et je regrette de ne pas avoir pris un vélo tout suspendu, mais c’est quand même un bon moment de plaisir. Les paysages qui se découvrent au fur et à mesure de la descente sont tous plus beaux les uns que les autres. La route est aussi belle que dangereuse, mais en maitrisant sa vitesse et sa position c’est finalement en toute sécurité que je descends. Nous faisons des arrêts photos le long du parcours, et profitons au maximum du paysage. Je sens le climat changer au fur et à mesure de la descente, il fait de plus en plus chaud et de plus en plus humide. Je retrouve une sensation de chaleur que j’avais oublié depuis le temps que je suis dans les montagnes. La végétation elle aussi évolue beaucoup, et de gigantesques cascades se forment sur les falaises le long de la route, la plupart tombent le long de la route, mais parfois nous passons en dessous aussi.

 

Un peu avant la fin, nous faisons un arrêt à coté d’une tyrolienne, nous devons attendre qu’un couple du groupe la fasse avant de continuer la descente. Je passe l’attente avec Hugo et Margot, tranquillement installé à l’ombre et en profitant de la vue. Après ça, le groupe se scinde en deux, une partie finit le chemin par la route normale, puis avec un guide et l’autre partie du groupe nous passons par un sentier qui coupe la route. Ça descend raide, et sur un terrain rocailleux, mais ça nous offre aussi d’autres points de vue sur la vallée des Yungas. Je dois quand même deux fois sauter de mon vélo mais j’arrive au bout sans une égratignure ! Ouf !

 

La chaleur est intense une fois en bas, nous sommes à environ 1000 mètres d’altitude, soit une descente de 3800 mètres effectuée ce matin ! Le changement de climat est bien perceptible !  Les minibus nous emmènent dans un hôtel restaurant non loin pour déjeuner, il est temps l’après midi est bien entamé. L’endroit possède aussi une piscine, qui est bien salutaire après l’effort. Nous passons une partie de l’après-midi là-bas, normalement cela aurait dû être plus court, mais les guides ont proposé de rallonger le temps imparti, les trois argentins du groupe ont grandement apprécié et ont validé la proposition, nous trois les français, nous n’avons pas eu trop d’avis et avons attendu. Le temps s’éternise un peu sur la fin de l’après-midi, mais le top départ est finalement donné.

 

Nos deux guides semblent avoir profité du temps de repos de l’après midi pour s’en mettre quelques-uns derrière la cravate, ce qui n’est pas super professionnel il faut dire. Nous nous répartissons dans les minibus, nous sommes tous les trois ensembles avec Hugo et Margot, accompagnés d’un guide qui s’endort en quelques secondes tellement il est alcoolisé, le reste du groupe et l’autre guide se réunissent dans le deuxième minibus avec la ferme intention de faire la fête. Notre chauffeur essaie de sauver la face, il fait pour nous quelques derniers arrêts photos sur le chemin du retour. Nous pouvons depuis un point de vue de la nouvelle route voir 70% de la route parcourus sur le flanc de montagne en face, c’est impressionnant. Le retour parait infini, la nuit est bien tombée et la soirée bien avancée quand nous revenons au local de l’agence. Là, le spectacle donné par nos guides et les participants installés dans l’autre minibus est bien triste. Nous aurions au moins aimé que leur attitude d’ivrognes ne nous empêche pas de rentrer tranquillement à nos hôtels, mais ils n’ont pas l’air décidés à nous laisser repartir, ou tout du moins ils ne se rendent plus comptent qu’ils dérangent. Finalement, notre chauffeur parvient à nous ramener, mais cela laisse un goût amer en fin de journée, dommage car elle était pourtant vraiment bien, et c’était une expérience de fou ! Pour ne pas rester sur cette note négative, on se fait un restaurant (mexicain) avec Hugo et Margot, histoire de finir la journée un peu plus positivement. C’est une super rencontre avec eux aujourd’hui, il est possible que nous nous recroisions au Pérou le mois prochain.