Jour 240 – Huayna Potosi jour 3

Réveil à 11h30 le soir, je n’ai quasiment pas dormi mais quand il faut y aller, il faut y aller ! On s’équipe tous, surtout avec nos lampes frontales et c’est parti de nuit pour 900 mètres de dénivelé positif jusqu’au sommet. Très rapidement on se rend compte que notre compagnon japonais ne pourra pas y arriver, dès les premiers mètres et alors que nous ne sommes pas encore sur le glacier équipé et de nos crampons, on le voit peiner. Je sais que s’il s’obstine trop et que nous sommes trop loin de refuge aucun de nous ne pourra tenter l’ascension. Je lui demande si vraiment il va bien, il s’obstine à dire oui. Rachel lui demande plusieurs fois aussi, il finira finalement par dire que non il ne peut pas le faire, on sent que pour lui c’était dur à dire. J’attends là où nous sommes que Rachel le raccompagne jusqu’au refuge. Sans sac et avec son expérience, là où il nous aura presque fallu 30 minutes, en 15 minutes elle aura fait l’aller-retour. Pendant ce temps, j’attends dans le noir pour économiser la batterie de ma lampe, et profiter du son de la montagne. C’est une expérience tout à fait fascinante, au bout de quelques minutes mes yeux s’adaptent et je parviens à distinguer le relief. Un chien de passage vient même me faire une petite visite, il est comme sorti de nulle part.

 

Une fois Rachel revenue, c’est à deux que nous prenons le chemin du sommet, d’autres groupes sont déjà devant, à ce moment là il est une heure du matin. Quelques minutes après nous arrivons au pied du glacier, nous chaussons nos crampons et nous nous encordons, c’est parti pour le sommet. S’enchainent des passages raides, un peu moins raides, parfois nous devons monter en escalier, d’autres fois en canard, et une fois sur une paroi de 25 mètres en escalade avec le piolet. La sensation est bizarre, presque oppressante. Je ne vois rien autour de moi, que Rachel devant moi et la neige éclairée par ma lampe, parfois les lampes des autres groupes au loin. L’effort est dur, très dur… Je me motive, au mental surtout pour ne pas lâcher et aller jusqu’au bout, mais froid + altitude + pente sont un combo assez décourageant. Mais le rythme est quand même bon, nous finissons par rattraper notre retard du départ et rejoignons les autres groupes qui font l’ascension. A 6000 mètres et avant la montée finale nous nous payons même le luxe de passer les premiers. A ce moment-là, le soleil commence à peine à poindre avec son halo à l’horizon.

 

Rachel m’annonce 15 minutes de marche pour passer des 6000 mètres où nous sommes jusqu’au sommet. Je me donne un dernier élan de motivation pour réussir, mais ça grimpe fort, et le chemin est une crête qui fait environ 50 centimètres de large, avec de chaque coté un vide abyssal, ce n’est pas rassurant mais je regarde mes pieds et j’avance. A 6 heures du matin pile, enfin nous arrivons au sommet ! Un endroit comme jamais je n’aurais cru en voir, une surface de 20m² un peu en pente avec autour de nous des crêtes enneigées magnifiquement dessinées. Je comprends à cet instant ce qui pousse les férus d’alpinisme à toujours monter, c’est tout simplement magnifique et magique de se retrouver sur un des toits du monde, à 6088 mètres d’altitude ! Nous sommes suspendus au-dessus des nuages, au-dessus des cimes, et au loin nous voyons même la ville de El Alto. Le soleil découvre petit à petit le paysage mystérieux dans lequel nous avons évolué pendant les 5 heures d’ascension.

 

Je suis exténué par la montée, mais il faut maintenant descendre, et ce n’est pas une mince affaire. Le jour s’est levé, le soleil commence à chauffer, et surtout je découvre les pentes enneigées empruntées pendant la nuit, les crevasses et les grottes de glace aussi, tout un environnement insoupçonné jusqu’alors. Mais c’est aussi là que le mal des montagnes fait son apparition, entre la fatigue, le froid restant de la nuit et la neige, mais avec aussi la chaleur du soleil, les 2 heures de descente sont une épreuve vraiment difficile. C’est assez mal en point que j’arrive au refuge, je prends un moment pour me reposer, le fatigue est extrême, le mal de tête aussi, je ne sais plus si j’ai chaud ou froid. Je me fais une infusion de feuilles de coca, depuis deux jours, ce mélange m’aide bien à supporter l’altitude, et je comprends pourquoi les locaux la consomme de façon courante. Je suis toujours fatigué, mais en une heure je reprends des forces, après une collation et le ré empaquetage des sacs nous reprenons le sentier du camp de base, à encore une heure de là.

 

Notre amis Japonais repart avec nous après avoir passé seul la nuit au refuge, il semble finalement moins en forme que nous qui avons marché toute la nuit, il ne semble vraiment pas bien. Je n’ai pas forcement le courage de l’attendre, j’ai envie d’arriver. Le chemin est facilement repérable, Rachel me laisse passer en éclaireur et gère notre ami. Je suis accompagné une bonne partie du chemin par le chien du camp de base qui avait suivi un groupe de marcheurs parti pour l’ascension, je le ramène avec moi vers sa demeure. Nous ne nous attardons pas au refuge, un taxi nous récupère pour nous ramener à la Paz. Le retour est somnolant, mais je profite des paysages et du retour en ville. Nous repassons à l’agence déposer le matériel, puis après avoir remercié tout le monde je m’en retourne à mon auberge de jeunesse, où je vais rester 5 nuits avant de partir pour le Pérou. Je me motive pour faire ce que j’ai à faire, mais j’ai l’impression d’être en fin de journée alors qu’il n’est que midi, et aussi qu’un rouleau compresseur m’est passé dessus. Je finis par faire une longue sieste dans l’après-midi, avant de m’atteler à la mission de mise à jour des posts du carnet de voyages. Je n’ai par contre pas le courage de m’atteler au montage de la vidéo de suite, ce sera pour plus tard. Je réalise à peine ce que j’ai fait aujourd’hui, ce n’est que en l’écrivant que j’en prends vraiment conscience. Je suis allé au bout de moi-même, pour ce qui est probablement une des choses les plus difficiles que je n’ai jamais fait, j’avoue en retirer quand même une certaine fierté. Aussi, il parait quand même que le Kilimandjaro est un peu moins difficile, ça me motive pour notre ascension prévue au mois de mai !