Jour 189 – Ile de Pâques #2

La nuit fut assez courte, je pense que je n’ai pas totalement assimilé le décalage horaire. J’arrive quand même à l’heure au rendez-vous pour le départ à l’agence. Par contre, le tour démarre très en retard car l’agence a vendu plus de places qu’il n’y en a dans le minibus. Le temps de régler tout ça, ça prend du temps ! En attendant, le chauffeur nous diffuse du ABBA, ou joue un peu de ukulélé, ça met l’ambiance.

Le premier site que nous visitons est le Rano Raraku. Il s’agit du volcan qui a servi de carrière pour la taille de tous les Moai de l’île, sans exceptions. Seuls les « chapeaux » des Moai (ceux qui en ont) viennent d’une autre carrière. Le site est bluffant, partout des Moai, debout, couchés, face contre terre entiers ou brisés. Il y en a même certains en cours de sculpture mais pas finis. Ils étaient sculptés à même la roche, puis relevés, et transportés debout vers leurs emplacements. Ceci explique qu’il y a eu beaucoup de casse et de raté durant les transports, et par conséquent le « cimetière » de Moai environnant. Le chantier semble comme abandonné, il semble que le culte des ancêtres, et la réalisation des statues de Moai qui les représentaient après leur mort a cessé du jour au lendemain. La disparition progressive des forêts, les troncs de bois étant le principal moyen de transport des statues a aussi dû précipiter la fin de ce culte, remplacé dans un premier temps par celui de l’Homme-Oiseau. Nous faisons aussi un tour dans le cratère. Comme celui que j’ai vu hier, celui-ci a un lac, et un écosystème unique et complètement différent de l’environnement autour. Les parois intérieures du volcan sont en terre rouge, et les alentours du volcan sont tellement balayées par les vents et brûlés par le soleil qu’il ne subsiste que d’immenses prairies d’herbes rases jaune vert. Les pans de l’intérieur du cratère sont aussi jonchés de Moai plus ou moins grands, et plus ou moins en bon état. La visite des carrières aura aussi été l’occasion de découvrir qu’il y a en fait plusieurs styles de statue. Le plus connu est le plus récent, les Moai aux longues oreilles et au visage allongé. Mais nous découvrons aussi des Moai au visage rond, avec des jambes sculptées en position à genou.

Nous nous rendons ensuite sur le site de l’Ahu Tongariki, le site le plus célèbre de l’île avec ses 15 grands Moai sur un Ahu de plus de 200 mètres de long. Le site se situe en bord de mer, pas loin de grandes falaises formées par le volcan Poike qui est à la pointe Est de l’île. Nous sommes aussi au pied du Rano Raraku, et la proximité des carrières explique un site de cet importance ici. C’est vraiment majestueux, et prenant aussi ! Ce site a été reconstruit et rénové au 20ème siècle grâce aux fonds d’une entreprise Japonaise. Il s’avère que à part le plus grand Moai de l’île (situé sur la côte Nord), tous étaient tombés quand les premiers explorateurs européens sont arrivés au 19ème siècle. La plupart du temps, c’était la résultante des conflits entre tribus Pascuane car c’était la tradition de renverser face contre terre les statues des tribus vaincues. Mais c’est aussi à cause des tsunamis et vents violent qui ont frappés l’île sans relâche. Aujourd’hui, les seules statues debout naturellement sont celles de la carrière, toutes celles présentées debout sur le reste de l’île le sont grâce au programme de restauration du patrimoine des Rapa Nui (nom de peuple, et nom original de l’île). Mais les statues relevées ne sont qu’une minorité, il en reste encore des centaines couchées face contre terre, ou brisées.

Juste avant la pause déjeuner, nous nous arrêtons sur le site de l’Ahu Akahanga. Ici, les Moai sont entiers, mais couchés avec leur chapeau (pukao) en pierre rouge devant eux. Le chapeau n’est pas d’office sur les statues, car il est réservé aux statues d’anciens de haut rang. Aux abords de l’Ahu, on découvre les ruines des maisons des dignitaires de cette tribu, les seuls autorisés à vivre près du site cérémoniel. Notre guide nous explique comment les pascuans ont dû s’adapter pour construire leur maison, et cuisiner les repas avec la disparition progressive des forêts de l’île.

Après le repas servi au centre de l’agence de tourisme, qui est bien rodée (à part ce matin pour le transport) et possède ses propres cuisines, nous partons vers le site de l’Ahu Te Pito Rura. C’est ici que ce trouve le plus grand Moai jamais sculpté, et déplacé jusqu’à son point final en entier. Un récit de l’explorateur Dupetit-Thouars atteste qu’il était debout en 1838. Il possédait aussi ses yeux en corail blanc, signe qu’il était en place. Les yeux étaient toujours rajoutés à la statue après l’installation. Après 1838, entre guerres de clan ou tsunami personne ne sait quand il est finalement lui aussi tombé face contre terre. Nous finissons la journée à la plage de Anakena. Une des seules plages de sable blanc de l’île, et incontestablement la plus belle. L’Ahu Nau Nau domine la plage avec ses 7 Moai, dont 5 intacts. C’est un des premiers sites restaurés, et un lieu très important car c’était la résidence de la famille royale à son arrivée ici. Une partie du groupe part se baigner, je m’offre pour ma part une sieste à l’ombre des cocotiers. Ici se trouve la seule cocoteraie de l’île, plantées dans les années 60 avec des arbres importés de Tahiti.

De retour en ville, je me réserve une voiture pour le lendemain afin d’être autonome pour mon dernier jour de visite. Je termine la journée affairé sur la gestion des vidéos, photos et organisation de voyage depuis le camping. Ce n’est pas une mince affaire vu la vitesse du réseau ici. Ce fut une journée riche en découverte, mais à un rythme effréné en le faisant en excursion de groupe. Malgré tout, j’ai quand même bien apprécié le fait d’être guidé. Je trouve que le mystère que la civilisation Pascuane et des Moai est encore là. Entre ce que j’ai lu, vu et entendu, je pense qu’il y a autant d’hypothèses que de statues existantes. Le fait que la tradition orale se soit perdue avec la disparition des derniers pascuans fait que nous ne saurons probablement jamais tout. C’est aussi ça qui fait le charme « mystérieux » de cette île.