Jour 329 – Kilimandjaro, jour 4 : Uhuru peak

Nous tentons de dormir un peu avant le départ pour l’ascension, mais le groupe de jeunes américains qui lui part un peu plus tôt est assez bruyant et nous réveille avant l’heure. Nos deux colocataires Italiens partent quant à eux 30 minutes avant nous. Un peu après minuit, nous sommes un peu fatigués mais prêts à nous lancer à l’assaut du Kibo, et du Uhuru peak.

 

Il ne fait pas si froid que ça en bas, nous sommes agréablement surpris. Nous partons en file indienne : Emmanuel qui dirige, Clémence, moi puis Magnus qui ferme la marche. Emmanuel part avec un pas lent, mais régulier. Pendant une heure et demie nous monterons ainsi sans nous arrêter, avec juste la lumière de nos lampes frontales comme repère. Il semble impossible de se repérer de nuit pour constater l’avancée, nous restons concentrés uniquement sur nos pas. Un vent glacial se lève, et malgré les épaisseurs ajoutées, on le sent un peu trop.

 

On rattrape le couple d’Italiens, mais leur ascension ne semble pas bien se passer et ils font demi-tour car la femme s’est évanouie à cause de l’altitude. Nous voyons aussi au loin les lumières du groupe de jeunes américains. Eux sont partis une heure avant mais nous finirons presque par les rattraper. Presque, car l’ascension est difficile, et malgré le bon rythme de départ, le manque de pause pour boire ou manger et pendre des forces se ressent. Le terrain est difficile, on progresse en zigzag sur un petit chemin fait de cailloux qui se dérobent sous nos pieds, sur des rochers ou sur de la neige glacée. On sent la fatigue qui monte, on a le souffle de plus en plus court avec l’altitude qui s’élève. L’épreuve est très difficile, et c’est à bout de souffle après 5 heures de marche presque continue que nous arrivons au premier sommet du Kibo, à 5756 mètres d’altitude.

 

Il fait encore nuit, mais le jour commence à poindre son nez à l’horizon. Emmanuel nous annonce une heure de marche pour rejoindre le point le plus haut du Kilimandjaro, le Uhuru peak. Mais c’était sans compter sur notre épuisement physique, nous sommes tous les deux à bout. Depuis une petite heure Clémence ne se sent pas bien, mais une fois à cette altitude, elle a un vrai mal des montagnes qui se déclenche, on dirait d’extérieur qu’elle est trop alcoolisée. Elle est aussi très fatiguée et en hypoglycémie, elle s’endort carrément en marchant. Je parviens à faire arrêter la marche, et nous la prenons en charge pour ne pas qu’elle s’endorme car c’est trop dangereux avec le froid, on lui rajoute une veste pour la réchauffer, et on lui fait manger de quoi la rebooster. Son état était sous-jacent, mais au moment de la grosse crise nous avions déjà beaucoup avancé sur le bord du cratère du Kibo. Da là, nous profitons déjà d’une superbe vue sur le lever de soleil et les environs.

 

Je ne suis pas très vaillant non plus, et je suis surtout inquiet pour Clémence. On est prêts à renoncer au sommet pour attaquer la descente. Déjà on impose une longue pause pour se requinquer un peu, assis à l‘abri du vent, en profitant tout de même de la vue. Les deux guides se font une mission de nous convaincre de ne pas renoncer si près, et de nous emmener jusqu’au sommet. Nous le tentons donc quand même car après la pause on se sent tous les deux un petit peu mieux.

 

Nous voilà donc au sommet du Kilimandjaro, le Uhuru peak à 5895 mètres d’altitude, nous l’avons fait ! Nous voici sur le toit de l’Afrique, après une ascension de presque 7 heures qui ne fut pas une partie de plaisir, bien au contraire mais heureusement la vue est là. Le jour est bien levé quand nous arrivons devant le panneau pour la photo souvenir, et nous découvrons toute l’étendue du sommet enneigé du Kilimandjaro. Il y a le cratère, mais aussi d’immenses falaises de glace. Nous sommes au-dessus d’une mer de nuages qui semble être le prolongement du sommet enneigé du volcan. Le Mawenzi voisin pointe son sommet, mais nous voyons aussi au loin le mont Méru pourtant distant de 70 kilomètres.

 

Nous faisons une bonne dose de photos et de vidéos, nos guides nous font même une petite chanson, mais le froid et le vent sont saisissants sur le sommet et nous ne pouvons pas trop trainer. Aussi, nous avons un long chemin pour redescendre à la Kibo Hut et plus trop de force avec les efforts déjà faits et la fatigue. Heureusement, le temps est au beau fixe et les rayons du soleil commencent à nous réchauffer. C’est dans ces conditions un peu bancales que nous faisons le chemin en sens inverse. D’abord sur les bords du cratère, que nous pouvons découvrir de jour, puis après un allégement de nos couches de vêtements, nous nous attaquons à la grande descente. Il nous a déjà fallu presque une heure pour rejoindre le Gilman’s Point depuis lequel le chemin descend, mais il nous en faudra deux de plus pour arriver au refuge.

 

Cette descente nous semble interminable et bercée de faux espoirs. En effet, dès le sommet nous voyons le refuge, mais il ne semble jamais se rapprocher. Aussi, cette descente mettra à rude épreuve nos corps. De nuit et pendant l’ascension, nous faisions de notre mieux pour avoir de bons appuis, mais en descente sur un sol meuble fait de sable, de terre et de cailloux c’est difficile. Nous passons plus d’une heure à glisser de façon plus au moins contrôlée. Ce n’est pas super comme moment vu notre état de fatigue généralisée…

 

Nous arriverons finalement un peu après 11 heures du matin au refuge. Nous sommes 12 heures après notre lever, et avons 12 kilomètres de marche avec 1175 mètres de dénivelé +/- dans les jambes. Nous sommes heureux de l’avoir fait, c’était pour nous deux une des plus dures épreuves physiques que nous n’avions jamais faites et nous sommes allés au bout de nos capacités. Je n’aurais pas pensé dire ça, mais l’ascension du Huayna Potosi en Bolivie se révèle en comparaison un peu plus simple. A notre arrivée au refuge, nous n’avons qu’une seule envie : dormir ! Nous parviendrons à prendre un moment de repos avant le déjeuner, et ce fut salutaire. Malheureusement, nous ne pouvons pas rester dormir là ce soir (ce sont les règles du parc, seulement la nuit précédent l’ascension est autorisée) et devons retourner à la Horombo Hut, distante de 9 kilomètres. Comment dire qu’on se serait bien passé là tout de suite de cette nouvelle marche.

 

La petite sieste et le repas nous redonne un peu de force, nous retraversons le désert alpin dans le sens inverse, ça nous parait d’ailleurs moins long comme ça et pas désagréable car le terrain est presque plat. Pour le retour, nous sommes accompagnés d’Emmanuel, Magnus ayant dû partir un peu en urgence pour une raison familiale, le pauvre s’est fait la route jusqu’à la porte du parc à la suite de l’ascension (soit minimum 7 heures de marche en plus).

 

Il nous faudra trois heures pour rallier la Horombo Hut, nous ne sommes pas fâchés d’arriver mais nous avons eu de la chance car le soleil nous aura accompagné tout le long du parcours. Nous ferons la rencontre d’un couple de Suisses et d’un couple d’Américains avec qui nous papoterons pendant le diner. Nous ne nous attarderons pas trop, avec les 21 kilomètres et tout le dénivelé que nous avons fait aujourd’hui, nous sommes vannés. Le froid tombe en même temps que la nuit, et il nous semble ce soir encore plus fort que les autres soirs, peut être est-ce à cause de la fatigue de la journée ? En tout cas, nous nous réjouissons de rentrer à Moshi demain, et heureux à l’idée d’avoir une douche chaude et d’un bon lit. On ne regrette bien évidemment pas d’avoir relevé ce challenge, et gravi le Kilimandjaro, mais on se dit qu’on a pris notre dose de trek pour quelques temps.