Jour 280 – Cape Town #2

On attaque cette journée de visite en prenant un bus de ville pour nous rendre dans le CBD. Le système de transport de Cape Town est pratique et rapide, on est ravis de pouvoir se passer de Uber cette fois. Notre visite de ce matin se fera au musée du District 6. Le musée ne se situe pas dans le district en question, mais son objectif est que la mémoire de ce quartier et de ses habitants ne soit pas oubliée.

 

Nous revoilà donc plongés dans l’histoire en visitant ce musée installé dans une ancienne église méthodiste. Nous apprenons que le quartier du District 6 a été créé au moment de l’épidémie de peste, pour isoler et éloigner les populations à risque des foyers infectieux (selon les autorités) du port. La peste a débarqué avec les marins (britanniques pour la plupart) au début du 20ème siècle.

 

La ville du Cap a connu une période de calme, à l’écart des guerres anglo-boers. Le district 6 a donc connu au 20ème siècle, malgré les premières lois ségrégationnistes, une période prospère. Le quartier était multiculturel, vivant et un peu comme une ville dans la ville. Les centaines de photos d’archives que nous pouvons voir dans l’exposition en témoignent. Comme dans le reste du pays, la mise en place de l’apartheid aura ses effets. Mais c’est avec l’indépendance du pays vis à vis de l’Angleterre que la vie de ce quartier va prendre un sinistre tournant.

 

En 1966, le gouvernement Boers décide que dorénavant la zone du district 6 sera une zone pour « les blancs ». Commence alors les expulsions, au total ce sera 60000 personnes qui serons déplacées, et souvent expropriées. La démolition systématique des bâtiments du quartier commence aussi, en 1978 il n’en restera presque rien. On constate que détruire pour reconstruire est une philosophie du pays, on avait déjà constaté ça à Joburg. Mais tout ça n’aura finalement aucun but, puisque la communauté blanche, jugeant l’endroit maudit refusera de s’y installer (tout ça pour ça !). Aujourd’hui, l’association des anciens habitants et de leurs descendants qui s’est constituée et qui est aussi à l’origine du musée, se bat pour la remise en construction du District 6, et la restitution des terres à leur prioritaire. Aujourd’hui, cet endroit est en grande partie un terrain vague avec des vestiges de rue, on peut le voir sur une photo aérienne du musée. Il y a quand même une petite avancée, en 2003, 24 logements sont sortis de terre. Mais la gestion de la propriété est un vrai problème dans le pays qui a connu des dizaines des conflits et de vagues d’expropriations. Des peuples font aujourd’hui des réclamations de terres, ces mêmes terres qui se trouvent aujourd’hui en pleine ville et qui sont entièrement construites. Mais là s’ouvre un problème de taille, comment savoir et définir à qui revient le territoire ?

 

Après notre visite du musée, nous rejoignons le point de départ d’un Walking tour que nous a conseillé Bartho. Nous y rencontrons Gervais, notre guide du jour et le groupe avec qui nous allons partager cette marche guidée. Gervais passe en revue l’histoire croisée du Cap et de l’Afrique du Sud. Nous sommes un peu au taquet, entre nos visites et nos lectures nous faisons office de premiers de la classe en répondant à ses questions. Le premier arrêt se fait devant l’hôtel de ville, le premier bâtiment britannique de la ville, ce dernier fut même amené pierre par pierre depuis la Grande-Bretagne (il sont fous ces Anglais !). Nous découvrons une avenue qui fait office de séparation entre la partie historique de Cape Town, et une partie moderne construite par les Boers au 20ème siècle. Ils ont construit sur une bande de terre contestée, en bafouant toutes les réclamations en cours.

 

Juste à côté se trouve « The Castle », le fort dans lequel la colonie originale développée par la VOC (la société des compagnies maritime hollandaise) s’est installée. Le développement du Cap est étroitement lié à l’histoire de cette compagnie, dans un premier temps en tout cas. La compagnie finira par faire faillite, et la population prendra son indépendance face à son omnipotence. Une grande partie des Boers présents à cette époque étaient des prisonniers de droit commun envoyés ici pour purger leurs peines. C’est aussi le moment où des esclaves en provenance de Malaisie, d’Inde et d’Indonésie sont arrivés par milliers.

 

Nous continuons notre tour dans la ville en parlant de l’histoire complexe et changeante de la ville, nous découvrons au passage le plus grand temple protestant de la cité. Ce genre d’endroit est un peu une découverte pour nous, ce qu’on peut dire c’est que ça change radicalement d’une église. Nous passons ensuite devant le parlement, avec sa statue de la reine Victoria, c’est une statue où elle sourit peu, d’après notre guide elle était célèbre aussi pour ne jamais sourire. La parlement (dont le bâtiment est aussi venu d’Angleterre) est présent à Cape Town, car la ville est une des trois capitales du pays. Prétoria est la capitale administrative, Bloenfontein la capitale juridique. Ces trois villes correspondent aux capitales des trois anciennes régions unifiées au début du 20ème pour fonder l’Union Sud-Africaine (le premier nom du pays unifié). Il n’y avait pas de jaloux, chacune des trois villes a gardé son statut de capitale.

 

A coté du parlement, nous découvrons la statue d’un personnage important en Afrique du Sud, mais d’après notre guide, un personnage boudé par les Sud-Africains car il aurait eu trop d’accointance avec les Britanniques : il s’agit de Jan Christiaan Smuts. Ce dernier, second fils d’une famille de paysans Boers était destiné à rester fermier, car par tradition seul le premier fils recevait une éducation. Mais après la mort précoce de son frère, il fut envoyé à l’école, où il montra des facultés exceptionnelles. Son parcours donne le tournis, que ce soit durant ses études, pendant sa carrière militaire mais aussi sa carrière politique. Il fut ministre de Winston Churchill, fut aussi un des fondateurs de la société des nations, mais aussi un homme politique important en Afrique du Sud. C’est sa défaite aux élections de 1948 qui permettra au gouvernement nouvellement élu de malheureusement mettre l’Apartheid en place. Il a fait beaucoup à l’international, peut être un peu moins ici, ce qui doit lui valoir aussi sa mise de coté dans l’histoire du pays.

 

L’étape d’après se fait au Campany’s garden. Nous sommes physiquement à l’emplacement des premiers jardins de la colonie hollandaise, qui servaient pour ravitailler les navires faisant escale sur la route des épices. C’est aujourd’hui un parc urbain, où les écureuils semblent heureux, vu le nombre d’individus que nous croisons. Une autre statue trône dans le parc, celle de Cecil Rhodes, un autre homme célèbre (et controversé) dans l’histoire du pays. Nous finissons le tour au café d’où nous sommes partis, en passant à côté d’un bout du mur de Berlin exposé ici, offert par l’Allemagne après la réouverture de l’Afrique du Sud.

 

Sur conseil de notre guide, nous allons déjeuner au Eastern Food Bazaar. Hannes, un allemand ayant participé au Walking tour, et faisant lui aussi un long voyage se joint un nous. Nous passons un bon moment tous les trois. Lui est enseignant en Allemagne, avec Clémence ils ont plein de choses à se raconter. Nous accrochons bien, du coup nous lui proposons de se joindre à notre expédition vers le Cap de Bonne-Esperance de demain. Nous faisons ensuite un tour sur les marchés d’artisanat du centre-ville. Nous y parlons plus français qu’anglais, une grande partie des vendeurs étant d’origine Congolaise.

 

Nous rentrons ensuite dans notre quartier, avec pour envie de nous rendre à la piscine d’eau de mer présente juste à côté. Nous caressions l’espoir que l’eau y soit plus chaude pour nous baigner, mais manque de bol, le lieu est fermé depuis le 9 avril dernier. Nous ne pourrons que l’observer, et ça donne bien envie de se baigner ! Mais pour le moment, il n’y a que les mouettes qui en profitent. Avant de finir notre journée, nous allons récupérer la voiture de location réservée pour notre journée de demain, il est temps pour moi de me remettre à la conduite à gauche, et au volant à droite !