Jour 218 – Le Salar d’Uyuni

La nuit fut fraiche et humide dans cet hôtel peu accueillant. Le petit-déjeuner ne relève guère le niveau. Une fois que nous sommes prêts, nous attendons patiemment qu’on vienne nous chercher. Le patron de l’agence nous récupère avec son vieux 4×4 hors d’âge, mais nous rassure car nous ne partirons pas avec celui-ci qui est bien trop petit. Il nous dit aussi que nous devions partir plus tôt, c’est contradictoire car c’est lui qui est venu nous chercher à cette heure-ci.

 

Nous retrouvons à l’agence Andes Salt notre guide-chauffeur Santos, qui sera avec nous pour les 3 prochains jours, il s’avère que c’est le frère du patron, il le dépanne pour ce week-end, mais il est prof à l’université du Uyuni (décidemment les chauffeurs / profs – cf Zula en Mongolie). Nous rencontrons aussi notre équipée : deux australiennes, une anglaise, et un coréen. Chacun prend sa place dans le 4×4 qui sera notre pendant les 3 prochains jours et nous prenons la route.

 

Le premier stop marqué par toutes les agences est le cimetière de train. Nous sommes donc loin d’être seul lorsque nous découvrons ce site. Uyuni a été fondée comme carrefour ferroviaire de la région, et pour donner l’accès au pacifique avec la ligne qui traverse les Andes. Le réseau ferroviaire a été construit pour supplanter le transport par lama qui n’était probablement pas assez efficace, chaque animal pouvant porter au maximum 10kg. La ville rend quand même hommage à cet animal typique de la région puisque Uyuni signifie en langue indigène « la maison des lamas ». Nous découvrons sur ce site des dizaines de locomotives et de wagons en proies à la rouille, aux déchets et aux éléments. Nous prenons ensuite la direction du nord pour nous rendre au village de Colchani. Ici vivent principalement les travailleurs du sel puisque le village est la porte d’entrée du Salar d’Uyuni. Il y a aussi quelques petites usines bien rudimentaires pour le traitement et l’empaquetage du sel. Les habitants sont bien inventifs avec la matière première qu’ils ont sous la main puisque la plupart des maisons sont construite en briques de sel, et il y a même un petit musée avec plein de sculptures (plus ou moins à l’échelle). La seconde activité du village est bien sur le tourisme avec un petit marché « artisanal » dans lequel les 4×4 qui arrivent par dizaines tous les matins déversent leurs touristes. Nous passons notre tour et attendons sagement le redépart avec Santos.

 

Nous arrivons enfin au bord du célèbre Salar d’Uyuni. Avec les trombes d’eau qu’il y a eu ces derniers jours, le sol n’a pas pu tout absorber, et l’eau stagne sur toute la surface. La couche d’eau n’est pas forcement épaisse mais elle crée un miroir géant sur toute la surface du Salar, qui est tout de même de 20000 km² ! Santos avance avec précision et douceur au milieu de ce désert de sel et d’eau, nous avons le temps de découvrir et d’admirer les lieux. L’effet est tout simplement sublime, l’espace semble infini, et les 4×4 que nous voyons au loin sont comme en suspension dans l’espace gris-blanc qui nous entoure. Nous rejoignons un ancien hôtel de sel reconverti en réfectoire qui se situe à quelques kilomètres du bord. Devant l’hôtel, il y un assemblage de drapeaux de plein de pays, mais surtout une gigantesque statue de sel représentant le logo du Dakar. Ces deux choses sont les vestiges du passage de la célèbre course automobile qui passe par la Bolivie depuis maintenant 5 ans, grâce au président Evo Morales qui a ouvert grand les bras à l’organisation (selon Santos qui ne cesse de nous vanter les mérites de son président). L’hôtel de sel fut construit à cette occasion, mais sous la pression des habitants qui dénonçaient des problèmes d’approvisionnement en eau et de gestion des déchets, il fut déplacé en bordure du Salar. Santos nous expliquera que les problèmes en question ne sont pas pour autant réglés, et qu’ils sont d’ailleurs assez global en Bolivie. Pendant que nous sommes attablés pour déjeuner dans l’ancien hôtel, la pluie fait son retour avec fracas, et nous offre une vision complétement différente et un peu apocalyptique du Salar. Nous attendons patiemment une accalmie pour reprendre la route, mais avant nous aurions voulu pouvoir faire les fameuses photos. C’est raté car l’effet miroir disparait à cause de la pluie et du vent, c’est dommage mais le lieu n’en est pas moins exceptionnel et nous avons tous envie de rester un peu plus longtemps. Nous quémandons quelques arrêts photos supplémentaire à Santos qui finalement accepte, ce n’est pas tous les jours que nous pouvons venir ici !

 

Nous reprenons finalement la route mais l’eau, malgré toute la beauté qu’elle apporte au lieu, nous empêche de traverser le Salar pour rejoindre notre point de chute, le village de San Juan qui se trouve juste de l’autre côté. Tous ces contre temps ne nous mettent pas trop en avance sur la journée. Nous devons donc repasser par Uyuni pour rejoindre San Juan par la piste principale. Santos en profite au passage pour récupérer sa nouvelle paire de lunettes arrivée entre temps. C’est plutôt rassurant d’ailleurs parce que jusqu’alors il conduisait avec deux paires de lunettes superposée !

 

La piste défile bien lentement, car avec toute cette pluie elle est en très mauvais état. Santos reste optimiste sur notre heure d’arrivée, mais les heures s’écoulent et nous ne voyons toujours pas le bout de la piste. La nuit finit par tomber et nous sommes toujours à 90 kilomètres de notre point de chute. Le temps s’écoulant, un arrêt toilette inca (c’est-à-dire dans la nature) s’impose, et là c’est le drame ! Les feux du 4×4 se coupent et refusent de se rallumer. Santos tente de rouler avec juste la luminosité de la lune qui heureusement brille un peu ce soir. Je cherche en vitesse ma lampe frontale, et béni le fait qu’elle soit très puissante (merci Clémence !!!). Je la donne à notre compagnon Coréen qui est assis devant et il éclaire la route en passant son bras par la fenêtre. Nous arrivons à progresser d’une vingtaine de kilomètres ainsi jusqu’au prochain village. A force d’insister, je convaincs Santos de tenter une réparation et de ne pas continuer ainsi. Je m’impose un peu pour l’aider, car même s’il conduit bien il ne semble pas trop à l’aise avec le bricolage. Après avoir vérifié les fusibles, nous ne trouvons toujours pas la source du problème. Un autre chauffeur qui passe par là nous dit que nous pouvons brancher les feux en direct sur la batterie pour shunter le système électrique qui semble défaillant. Après un ou deux essais infructueux, (et merci le couteau suisse de Papa !) nous trouvons le bon branchement, les feux brillent et nous pouvons reprendre la route pour les derniers kilomètres.

 

C’est bien fatigué et bien après 21 heures que nous arrivons dans l’hôtel de sel du village de San Juan qui a déjà accueilli tous les autres groupes qui étaient aussi sur la route aujourd’hui. Nous dînons en vitesse, puis profitons du fait qu’il y a une douche chaude pour nous réchauffer avant de rejoindre nos lits. Une coupure générale d’électricité (pile quand Marius est sous la douche) plonge l’hôtel dans le noir avant que les groupes électrogènes prennent le relais. Ils ne tournent pas trop longtemps puisque dès que tout le monde est couché, les propriétaires les éteignent, alors l’hôtel plonge dans le noir, le silence et surtout le sommeil.