Jour 97 – Les 4000 îles, Don Khon

Bon alors je l’avais un peu prévu mais j’ai commencé la journée par ne pas faire grand-chose, à par aller lire en terrasse en prenant mon petit déjeuner… pas violent. Sinon je profite bien du hamac sur la terrasse.

Quand l’après-midi est déjà pas mal avancé je me décide à partir un peu en excursion pour découvrir l’île. Direction les cascades de Somphamit et Li Phi. Je décide de visiter à pied, une petite pause de moto sera pour le mieux. Une fois payé l’escroquerie de droit d’entrée, je découvre la première « cascade ». En fait ce sont des rapides sur le Mékong créés par le passage entre les îles et les différences de niveau incidentes. Le résultat est bluffant ! Toute la furie accumulée du Mékong se déverse en torrent à travers les rochers. En fin de saison des pluies comme maintenant, le Mékong atteint 2m de plus qu’en saison sèche, du coup le courant est vraiment intensifié. Je comprends aussi pourquoi la région s’appelle « les 4000 îles ». En regardant la carte je me disais qu’il n’y en avait pas autant, mais en réalité les différents bras du Mékong sont plein de petits îlots, et encore on n’en voit qu’une partie avec le niveau d’eau actuel ! Une sorte de piscine naturelle est aménagée dans un petit bras du Mékong, avec des barrières et un muret. Je rejoins pour faire trempette deux buffles qui ont l’air de bien apprécier la baignade, effectivement l’eau et très bonne, mais heureusement j’ai pied vu le courant.

Je continue la visite de la pointe est en allant vers une des plages de l’île. Elle est quasi-déserte à cette heure-là mais j’ai une belle vue et je vois des pécheurs manœuvrer avec le courant pour partir ou rentrer de la pêche. Le chemin pour rentrer vers la partie touristique de l’île, là où les hôtels et guesthouses s’entassent, est bordé de rizières bien vertes, avec une très belle lumière offerte par le soleil couchant. Je me pose en terrasse pour profiter de la vue avec une bière fraîche, avant d’aller manger, plus tôt qu’hier cette fois ci !

Je m’arrête au restaurant « chez Fred et Léa », un établissement franco-laotien assez renommé sur l’île, et sur les blogs de voyageurs. Le patron est super sympa, et la nourriture excellentissime ! Je me régale tellement que je réserve le petit déjeuner de demain direct. Les prix sur l’île sont de toute façon supérieurs alors autant bien manger. En fin de repas, Fred m’offre un petit verre de Lao Lao, le digestif local mais qu’il a un peu arrangé, et qui du coup devient bon. Le Lao Lao est un alcool de riz gluant fermenté, facile à faire ici forcément mais vraiment très fort ! Autour de ce verre je peux avoir une discussion qui m’en apprend un peu plus sur le Laos, et me permet aussi de poser des questions. Je me suis fait une opinion par rapport à mon vécu de ces dernières semaines, mais c’est bien de pouvoir comparer avec la vision de quelqu’un de plus implanté. Par contre, il me dit que la traversée de la frontière vers le Cambodge en moto ne serait pas possible, ou très difficile. En même temps il s’agit d’une des frontières les plus corrompues au monde, et ce même sans véhicule. Les récits sur les blogs sont rocambolesques sur ce passage. Mais cela remet tous mes plans en question, je vais le tenter mais si ça ne passe pas je vais sérieusement devoir réfléchir à mes options. De toute façon, il sera impossible d’avoir la réponse avant d’essayer samedi, je croise les doigts !

Si tout se passe bien, c’était donc mon avant dernier jour au Laos, et j’ai forcément pas mal réfléchi au bilan de ce séjour ici. Ma discussion de ce soir avec Fred m’a parfois conforté dans mon avis, et m’a parfois donné un éclairage différent. J’ai aimé le Laos pour ses paysages, et son environnement, mais je l’ai profondément détesté pour ses habitants et la façon d’aborder le tourisme, deux éléments qui ne donnent pas envie de revenir pour le moment, et qui m’ont donné plus d’une fois l’envie de partir plus tôt. Le problème principal est la relation avec les locaux qui est très compliquée, pas ou très peu de personnes parlent une langue commune (français ou anglais), et la nonchalance, voir le je m’en foutisme semble cultivé de manière assez industrielle par les locaux. Et ce même de la part de gens qui travaillent dans des métiers de services comme la restauration ou l’hôtellerie. Clairement, tout le monde te fait bien comprendre que tu es le cadet de leur souci. Par contre, on voit bien en toi un joli billet de banque, j’en ai parlé plusieurs fois dans mes posts, mais tout est prétexte pour faire payer les étrangers. Une grotte par ci, une cascade par-là, une surtaxe sur le transport, hop j’ai doublé le prix de l’eau, la nourriture, etc. J’en arrive à une part de quasiment 38% de mon budget uniquement pour la nourriture avec ces surfacturations. Fred m’informe quand même que malgré l’agriculture et l’élevage présents, une grosse partie des denrées est importée de Thaïlande. Bien évidemment je peux nuancer ça car j’ai eu quelques rencontres avec des Laotiens profondément sympathiques et généreux. Mais la plupart de mes rencontres vraiment intéressantes et sincères étaient avec des français ou des européens, et même dans le cas de Inpong il y a quelques jours, il est finalement plus français que laotien.

Le regard de Fred durant la discussion de ce soir était intéressant. Il m’a expliqué qu’au Laos il y avait une classe très riche et que cette dernière l’était devenue très rapidement, en moins de 10 ans. La classe très pauvre elle n’aspire qu’à rejoindre la très riche et pour ça tous les moyens sont bons. L’autre trait de caractère prédominant est que les gens ne voient pas dans le futur, ils ne vivent qu’au jour le jour. S’ils peuvent gagner plus d’argent aujourd’hui c’est bien, même au détriment des touristes. Mais ils ne se rendent pas compte que s’ils le font tout le temps et à tous les niveaux (du repas, au transport, en passant par les entrées de site), les touristes ne viendront plus et il se retrouveront sans rien. Cela se vérifie d’ailleurs aux 4000 îles où certains sites ne sont plus visités, mais en compensation ils augmentent les prix pour ceux qui y vont encore pour ne pas gagner moins, c’est leur objectif, toujours gagner plus. C’est assez contradictoire dans un pays au régime communiste (enfin à la base car on est en très loin maintenant il semblerait). Le fait que les routes ne soient pas entretenues a la même explication, ils attendent toujours que quelqu’un d’autre paye et le fasse, sans se poser la question du temps que ça prendra et des conditions de circulation. Aussi, pour les biens communs, les budgets publics sont systématiquement amputés par la corruption à tous les niveaux, ou comme dirait Inpong par les droits de facilitation, mais en tout cas ça ne laisse que peu de moyen à la sortie. A un niveau plus large, et de façon plus grave, les différentes élites sont en train de vendre petit bout par petit bout le pays entier, à la Chine principalement, mais la Thaïlande et le Vietnam prennent un bout du gâteau aussi. Demain quand les Laotiens se réveilleront, il n’y aura plus que des chinois qui vivent ici, et des touristes chinois qui profitent des ressorts chinois, et les Laotiens eux n’auront que leurs yeux pour pleurer. Il n’y a qu’à espérer que ce scénario ne se réalise pas en entier, même s’il a déjà commencé. Le nouveau projet annoncé est pour les 4000 îles, et s’il se fait, la région comme on l’a connue est vouée à disparaître sous les ponts, le bétonnage de chemins et les gros ressorts privés. Bref espérons que le scénario catastrophe n’en arrive pas là !

Après toute cette réflexion et la bonne discussion que j’ai eu, je retourne me poser sur ma terrasse. Je remarque sur le Mékong des petites flammes flottantes, c’est assez joli à regarder. Les familles commencent à passer devant moi pour aller déposer dans l’eau des sortes de petit bateau en feuille de bananiers avec des bougies et quelques offrandes dedans. Je ne sais pas si c’est en l’honneur d’un événement spécial ou si c’est régulier, mais en tout cas c’est assez poétique.

Aujourd’hui, j’ai quand même profité de mon hamac pour commencer à rattraper mon retard sur le montage des vidéos, en voici quelques unes :