Jour 95 – Paksé, le plateau des Bolovens

Journée tranquille, je me mets juste au programme la visite des cascades les plus proches de Paksé. Ces dernières font partie d’une loop qui peut se faire sur 2 ou 4 jours en fonction de l’itinéraire choisi. Mais cette loop a la réputation de paraître un peu fade si l’on a fait avant celle de Thakhek. Effectivement, si l’on s’en tient à la vue depuis la route il n’y a pas photo. Une route pleine de nids de poule (voir d’éléphants !), un paysage assez urbanisé, beaucoup de circulation aussi. La route d’accès au plateau monte très doucement, ce qui fait que on ne s’en rend pas trop compte mais au fur et à mesure de l’ascension, je sens la température baisser et je vois les nuages s’accrocher aux formations rocheuses. Le temps n’est pas au beau fixe depuis hier et la pluie est bien sûr de la partie sur ce trajet.

Je commence par la cascade principale, celle de Tad Fane. L’entrée est chère (plus que prévu), premier mauvais point. La vue n’est accessible que depuis une terrasse  qui a envahi les lieux. La double chute d’eau de 120 mètres de haut n’en est pas moins impressionnante, même si on la voit d’assez loin. Un chemin est sensé pouvoir permettre de s’approcher, mais il est déconseillé sans guide. Je passe mon tour sur la marche, et je fais bien car j’apprendrai plus tard qu’un touriste téméraire est décédé en tentant l’approche, ça fait un peu froid dans le dos. Le seul moyen d’approcher les chutes est de le faire par la tyrolienne gigantesque qui a été installée. C’est drôle de voir la queue des touristes tous équipés de leurs perches à selfies prêt à s’élancer dans le vide !

Je me rends ensuite à la cascade Tham Champy qui est toute proche, mais à laquelle on accède par un chemin de terre très, mais vraiment très glissant ! L’arrière de la moto chasse plus d’une fois et la progression est difficile. Mais je me console en admirant les champs de café que je traverse pour accéder au lieu. A l’arrivée, je suis accueilli par une gentille dame qui me tend les billets d’entrée, un pour la cascade et un pour le parking. Bien sûr le prix est toujours supérieur à ce qui est annoncé, mais cette fois je refuse de payer la totalité. Je lui fais comprendre que certe elle fait son travail, mais si les gérants du lieu tiennent vraiment à faire payer ce prix-là il va falloir qu’ils refassent le chemin d’accès, quand je paie, je préfère avoir le service qui va avec. Elle n’insiste pas et me laisse descendre vers la cascade librement. Le chemin pour descendre n’est pas guère mieux et je manque de manger la terre plus d’une fois. J’arrive quand même sur mes deux jambes au bord de la rivière, pour voir une très jolie cascade, certes, mais pas non plus si impressionnante. La baignade aurait été possible et même intéressante, mais la température de l’eau et la température extérieure ne me donne pas très envie.

Je me dirige vers la 3ème cascade de la zone, celle de Tad Yuang. L’entrée est encore plus chère que prévue, mais la zone est bien aménagée, et très tranquille. Je suis quasiment seul quand j’arrive. Il y a d’abord une petite promenade aménagée le long des deux bras de la rivière, le coin est vraiment paisible. Ensuite les deux bras de rivière forment chacun une cascade de 40 mètres de haut et reforment le cours d’eau qui deviendra la chute sud de Tad Fane. Pour accéder à la vue, on passe par un escalier plutôt raide, avec en cours de route une petite contorsion sous une liane qui me semble très âgée vu son diamètre. Des trois chutes d’eau vues, celle-ci est vraiment ma préférée, très naturelle, on peut en être proche, tellement proche qu’on est très vite mouillé par les projections d’eau. Une petite terrasse en bois avec un banc est installée pour bien admirer de la vue. Je profite du lieu pour faire la pause déjeuner, et c’est l’occasion (il est n’est jamais trop tard) de goûter un légume que je ne connaissais pas, la chayote. Le plat qui est préparé avec du riz et de l’œuf est un vrai régal !

Etant bien installé sur la terrasse et la grande table où je suis, j’en profite pour faire une pause lecture, quand je suis abordé par un vieil homme, qui s’avère être le propriétaire des lieux. Il a repéré que j’étais français avec mon guide du routard qui traînait sur la table. Justement, le guide dédie un long paragraphe à ce personnage haut en couleur, je ne m’attendais pas à le croiser mais il m’aura occupé une bonne partie de l’après-midi. Il parle un français parfait car il est en fait ressortissant Laotien de nationalité Française, il tient même à me montrer sa carte d’identité. Il a grandi au Laos mais est parti en France pour ses études et pour travailler. Il était gestionnaire comptable. Il a maintenant 76 ans et est en retraite, il a obtenu la cession de l’exploitation de ce lieu et s’en fait une mission. En fait, même s’il est né sur le sol Laotien il avait besoin de visa pour venir ici, mais depuis ses 65 ans, il en est exempté grâce à un accord bilatéral entre la France et le Laos. Il est donc revenu vivre au Laos 9 mois par an pour suivre ce projet, mais reste attaché au Berry, sa région française de villégiature et d’adoption. Son surnom ici est le berrichon du Mékong ! Je passe plus de 2 heures avec lui, il est un vrai livre d’histoire, il a connu tellement de périodes de l’histoire du pays, sachant qu’il est né en 1941. Difficile de résumer une aussi longue conversation mais je prends un vrai plaisir à échanger avec lui. Il tient aussi à me faire déguster les digestifs maison qu’il prépare, et qui sont il est vrai plutôt bons. Je l’arrête avant qu’il me fasse resservir car j’ai quand même le retour à assurer ! Ce repas est aussi l’occasion de goûter le café local, qui est je trouve très bon. Inpong (de son prénom) possède en plus de l’exploitation de la cascade, des restaurants et des échoppes, mais aussi 20 hectares de plantation de café dans les alentours. Un vrai businessman, pour quelqu’un qui est censé être à la retraite. Il m’explique toute l’ambition qu’il a pour cet endroit, une chose est sûre il voit loin. Il est content que la route soit en réfection car ça facilitera l’accès à cet endroit. Il m’explique qu’il est en train de faire construire des chambres d’hôtes, et que dès qu’elles sont prêtes il dort dans chacune d’elle pour être sûr que tout est parfait. Il contrôle tout et fait attention aux moindres détails. Ce qui est particulièrement intéressant c’est qu’il est totalement dans une démarche écologique et éco-responsable. Les repas servis sont bio, il fait attention à la rémunération de ceux qui travaillent pour lui, fait attention au traitement des déchets, à l’intégration des bâtiments dans la nature. Il se refuse à ce que son complexe soit une verrue et fait tout pour rendre les bâtiments chaleureux et naturels dans l’environnement. Pour la partie électricité, il a lancé un chantier de panneau solaire pour équiper certains toits. Comme je l’ai dit, il voit très loin !

Un de ses derniers projets est d’ouvrir une Boulangerie-Pâtisserie à la française directement sur place. Pour se faire, il a réussi à convaincre un jeune homme (du Berry bien entendu) tout juste sorti de l’école de s’embarquer dans cette aventure avec lui. Tanguy, seulement 22 ans est donc venu s’installer ici seul pour se lancer dans ce projet fou. Je le croise pendant que j’échange avec Inpong, et j’ai la primeur de goûter une création de tuile pâtissière, que je trouve personnellement très bonne ! Son laboratoire et le stand de vente ne sont pas encore finis de construire mais il est déjà au travail. Ils essaient aussi tous les deux de trouver des solutions de conservation pour que les viennoiseries gardent bien leur croustillant, comme chez nous quoi ! C’est assez amusant de regarder ces deux hommes que deux générations séparent être animés par la même motivation autour de ce projet.

Le temps se fait de plus en plus maussade et je prends congé après avoir chaleureusement remercié Inpong, et je repars sur la route qui est toujours autant en mauvais état. Je dois même dire que c’est la première fois que j’ai aussi froid au Laos, voir depuis un moment. Il y a 15° de moins que les températures moyennes, aglagla ! Je me dépêche de rentrer car la pluie bien sûr m’accompagne encore. Après une bonne pause à l’hôtel, je retrouve pour ce qui devient presque une habitude, Julie-Anne & Manu pour dîner. C’est sympa de se raconter mutuellement les aventures de la journée !