Jour 172 – Nouméa

Entre le soleil qui se lève tôt et le décalage horaire non assimilé, la nuit se finit plus rapidement que prévue. Ce matin, Frédérique s’est donnée comme mission de me donner un bel aperçu de Nouméa. C’est réussi, nous partons en voiture pour voir les principaux points d’intérêts de la ville. Des plages, des baies, un parc sur une montagne en pleine ville. Les points de vue s’enchaînent et sont tous plus impressionnants les uns que les autres. Les terres sont assez sèches ici, mais entre le ciel et la mer, les pins colonnaires et les flamboyants (les arbres à fleur rouge que je croise depuis l’Australie), j’ai des couleurs plein les yeux, et de magnifiques tableaux à admirer. Par contre, je vois aussi un autre coté de cette ville, et à priori de l’île entière : ses contradictions. Il y a des quartiers ultras riches, un nombre de voitures de luxe impressionnantes, des marinas remplies de bateaux, mais en face de ça, il y a des bidonvilles et des maisons en tôle, et la pauvreté visible d’une catégorie de la population. Les richesses de l’île ne profitent pas à tous. Il y a aussi comme aux Fidji ou en Asie, un gros problème de gestion des déchets. Les décharges à ciel ouvert sont apparemment une normalité, pas dans les zones construites, mais dans les terrains non construits par contre. Frédérique m’explique aussi qu’une délinquance nouvelle est en apparition. Les jeunes qui débarquent de la brousse (nom donnée aux terres autres que Nouméa) en ville n’ont pas les moyens de se payer la modernité qui leur est présentée. Alors ils essayent de l’obtenir quand même. L’île a même connu son premier braquage bancaire il y a une quinzaine de jours. C’est toujours comme aux Fidji, la contradiction et le fait de devoir marier tradition et modernité n’est pas toujours évidente. C’est un chantier énorme que les autorités locales ont à relever. Surtout que l’année prochaine a lieu un référendum pour avoir ou non l’intendance totale vis à vis de la France. Actuellement, c’est un POM (Pays d’Outre-Mer), c’est le seul endroit avec ce statut-là. Dans les faits j’ai l’impression que le contexte social est assez similaire à ce que j’ai pu rencontrer pendant mon séjour à Mayotte il y a quelques années, c’est-à-dire assez explosif.

 

Après un bon tour, Frédérique m’emmène au Centre Culturel Jean-Marie Tjibaou. Ce dernier était un leader indépendantiste, qui a réussi entre autres à obtenir la mise en place d’un parlement Néo-calédonien, et une gestion conjointe et partagée de l’île entre l’Etat Français, le parlement local, et les communes avec les chefs locaux. Malheureusement, il a été assassiné avant de pouvoir aller au bout de ses idées. Le centre présente une exposition retraçant son parcours et son combat, mais pas que. Il présente aussi une série de photos datant de la fin du 19ème siècle présentant les populations locales à l’époque, ainsi que les premières installations des colons français. Tout comme la Guyane, cette terre avait été choisie pour devenir un bagne. Toute ces expositions sont présentées dans des bâtiments assez atypiques, inspirés des habitats traditionnels kanaks, et qui sont l’œuvre du même architecte que le Centre Pompidou à Paris. Le lieu est très calme et reposant, et offre aussi une promenade au milieu de la mangrove qu’il y a sur la côte. Le long du parcours se trouve des petits champs présentant les cultures traditionnelles et des totems en bois sculptés. Il y a aussi de reconstitué un mini village avec les habitations typiques et ses grandes cases avec des flèches assez hautes.

 

Frédérique me laisse ensuite pour le reste de la journée. Après une sieste et un déjeuner, je prends un bus local en direction de la baie de l’Anse Vata. C’est une des plus grandes plages de Nouméa, et surtout c’est le point de départ des bateaux-taxis pour se rendre vers les îlots les plus proches. Sauf qu’aujourd’hui le service de taxis termine plus tôt, je dois donc changer mes plans. Je profite un peu de la plage puis reviens en centre-ville pour y faire un bref tour. Je découvre la cathédrale datant de la fin du 19ème siècle, quelques bâtiments coloniaux ayant survécus, et la place centrale : la place des cocotiers. Le centre-ville n’a pas un intérêt forcément flagrant, toute l’activité semblant s’être déplacée vers les différentes baies de la ville. Je fais quelques courses après avoir profité du flamboyant coucher de soleil, puis je me fais plaisir en cuisinant mon diner et en restant tranquille dans l’appartement ce soir.

 

Me retrouver dans cet environnement très Français est vraiment bizarre après presque 6 mois de voyage. Je m’étais habitué à parler en français de temps en temps, mais j’ai pris inconsciemment le reflexe de préparer mes phrases en anglais dans la vie courante. Là je me surprends à faire de même, à chaque fois que je dois demander quelque chose dans le rue, ou commander quelque chose. C’est assez bizarre cette sensation, comme si je perdais un peu les moments où je pouvais ne pas me faire comprendre. Je me rends aussi compte que la langue joue pour le dépaysement, qui alors agit un peu moins ici. Je découvre aussi un endroit où la vie est extrêmement chère, incomparable avec tous les endroits où j’ai été, et même par rapport à la métropole. J’ai beaucoup changé de monnaie pendant ce voyage, mais me retrouver avec des francs estampillés République Française est assez particulier et me ramène à une autre époque, même si ce n’est pas les mêmes francs bien évidement. Enfin, il est vrai que malgré tout l’environnement calédonien est quand même très paradisiaque, mais tout n’est pas rose au paradis il me semble.