Jour 112 – Phnom Penh

Je me lève tôt pour essayer d’arriver avant les bus de chinois pour la visite que je me suis prévu de matin. Je me rends au palais royal, et au complexe adjacent de la Pagode d’argent. Une grosse partie du palais Royal ne se visite pas car le roi (couronné en 2004) y vit toujours. Un tuk-tuk essaie de faire le malin et de me faire croire que le palais est fermé ce matin pour m’emmener en excursion, mais je ne me laisse pas avoir.

Je n’évite pas les bus de chinois, mais le site est assez grand pour que j’essaie de les esquiver quand même. Le lieu est très propre, très bien entretenu, mais en tant que visiteur on est tenu à l’écart de pas mal de chose, dont la salle du trône que l’on ne peut qu’admirer par les fenêtres. Dans la cour du palais royal se trouve aussi un pavillon offert par Napoléon III. A l’origine il avait été construit pour l’inauguration du canal de Suez, puis il a été démonté et remonté au Cambodge. Malheureusement il est en rénovation et je n’ai pu qu’entre apercevoir des bouts au travers des bâches de chantier. Mais j’en ai vu assez pour bien reconnaitre le style de cette époque, ça m’a tellement fait penser à Vichy ! Après le palais royal, je continue la visite à la Silver Pagoda (La pagode d’argent). Elle porte ce nom car le sol est entièrement fait en dalles d’argent qui pèsent chacune plus de 1,5kg. Bon ce qui est dommage, c’est que ce même sol est quasiment entièrement recouvert de tapis. A l’intérieur, des bouddhas sous toute les formes, de toutes les tailles et dans toutes les matières (or, terre, pierre, jade). Dans le complexe se trouvent aussi de gigantesques stupas dans lesquels sont placées les cendres des rois défunts. A l’arrière de la pagode se trouve une très belle maquette du temple d’Angkor Vat, et une galerie avec des scènes mythologiques peintes (qui sont  en plus ou moins bon état) entoure le tout. C’est un peu un fourre-tout pour les objets religieux entre la pagode et le musée qui est à la sortie, mais c’est a priori ce qui a pu être sauvé des pillages et purges religieuses opérées par les Khmers Rouges. Dans le musée juste avant la sortie se trouve aussi une petite exposition de photos mettant en avant la cérémonie de couronnement du roi en 2004. Cette dernière n’a d’ailleurs duré que 3 jours au lieu des 7 traditionnellement mis en place, selon le musée pour des raisons d’économie.

Je prends ensuite un bon moment pour me perdre dans les rues. Je commence par la partie du quai non explorée hier et qui m’amène jusqu’au bout du Tonlé Sap, là où il se jette dans le Mékong. Le fleuve est vraiment très large à cet endroit, on a presque l’impression d’être au bord de la mer. Je m’enfonce un peu plus dans la ville par la suite et je découvre les disparités qui la compose. Il y a des quartiers qui semblent très luxueux, adjacents à des « bidonvilles » où des gens s’entassent dans des baraquements de chantier. Puis il y a aussi toute une flopée de toutes petites ruelles bourrées de charme et complètement inattendues au milieu de cette grande ville, et qui semblent très populaires. Tout le long de mon chemin, je me fais alpaguer toutes les 30 secondes par un moto taxi ou un tuk-tuk, ils réussissent presque à me faire perdre mon sang froid avec leur insistance mal placée, intrusive et parfois même malpolie. Toutes ces pérégrinations m’amènent à l’endroit que j’ai choisi de visiter par la suite. Il s’agit du musée du crime génocidaire, installé en lieu et place du camp sécuritaire Khmer Rouge S21.

Je n’aurai aucune image accompagnant cette visite, si ce n’est le mur d’entrée du musée. Ce n’est pas un lieu où on fait du tourisme, c’est un lieu de mémoire. C’est l’intérêt que j’ai porté à la tragique histoire de ce pays, à travers les films vus, et les livres lus qui m’ont amené à venir ici. Ce lieu est chargé d’histoire, d’horribles et tragiques histoires. Les Khmers Rouges ont utilisé cet ancien lycée comme un centre d’incarcération et de torture durant les presque 4 ans qu’a duré leur régime, et ce jusqu’à la libération du Cambodge par l’armée Vietnamienne. On voit que les bâtiments étaient scolaires à leur conception, et le jardin de la cour, qui a semble-t-il toujours été là est presque beau et reposant, totalement en contradiction avec l’utilisation du lieu qui a été faite. Très peu ont survécu à leur passage ici, vraiment très peu. L’audioguide fourni pour la visite apporte la compréhension nécessaire à cette visite. Aussi, il permet de sensibiliser à cette période, et anticipe la dureté des images vues, et la dureté de la découverte des lieux. Car soyons honnête, je crois que je n’ai jamais eu à voir un endroit au passé aussi horrible, et à découvrir par les images des choses aussi dures, et des événements aussi tragiques. Ça me touche beaucoup, je prends un long long moment pour bien tout écouter et essayer d’avoir un peu de recul sur tout ça. Il est difficile de trouver les mots pour expliquer mon ressenti pendant les 3 heures que j’ai passées là-bas, mais je n’en suis pas ressorti indemne. Le retour à la réalité a été un peu difficile. Je me le suis beaucoup dit, je suis chanceux de vivre dans cette époque comme j’en ai envie. Mais notre liberté semble tellement fragile quand on regarde les évènements passés, je pense qu’il faut bien garder ça en tête, et être vigilent. Moi qui suis plutôt confiant en la nature humaine à la base, j’en ai aujourd’hui vu de mes propres yeux un autre visage, et celui-ci fait froid dans le dos.

C’est donc dans un état assez bizarre, pas complétement indemne et forcément moins naïf face aux évènements passés que je sors de S21. Le lieu a été transformé en musée pour que ces événements restent dans les mémoires, et que ceci ne recommence jamais (j’espère). Je reprends ma marche dans la ville pour me changer un peu les idées, je me dirige vers le marché russe. Ce marché porte ce surnom car il fut dans les années 80 fortement fréquenté par les correspondants russes présents à Phnom Penh. Il est vrai qu’il est vraiment typique, très authentique avec tous ces dédales de mini-ruelles sous une grande (mais pas haute) halle en tôle ondulée. De là, je suis quand même assez loin du quartier où je réside et j’ai un peu les jambes coupées après les kilomètres parcourus, et la visite de S21. J’accède à l’insistance d’un tuk-tuk pour rentrer un peu plus vite.

Je m’offre juste une petite glace remonte moral chez un glacier français de la ville avant d’aller me poser à l’hôtel un petit peu. Je ne ressors que pour aller manger dans un restaurant de rue installé sur un trottoir pas très loin. La journée a été émotionnellement chargée, je vais tacher de me reposer pour être en forme pour le trajet de demain. C’était donc mon dernier jour de ce très court séjour Cambodgien, retour au Vietnam, mais pour de vrai cette fois ci, pas juste pour un passage. Mais surtout, je retrouve Clémence demain soir et c’est le début des vacances ! Car oui, même en voyage on a besoin de vacances.

Et hop la petite vidéo sur ces deux jours à Phnom Penh :
https://youtu.be/D3wQRPqVK5Q