Jour 276 – Johannesburg #2

Nous avons rendez-vous ce matin avec notre guide, Charlie Moyo, pour faire une visite du CBD (Central Business District). Nous nous y rendons en Uber, pour être à l’heure au point de rendez-vous à Gandhi Square. Nous partageons le tour avec un Germano-Libanais qui vit en Tunisie, et qui est en repérage ici pour sa future installation, c’est très international !

 

Charlie commence la visite par reprendre le fil historique du pays, ce qui est pour nous un très bon complément, et qui parfois éclaircit aussi ce que nous avons appris hier au musée. Il nous raconte aussi le pourquoi de Gandhi Square. Gandhi, après ses études à Londres a fait ses armes comme avocat ici. C’est aussi ici qu’il a été pour la première fois confronté à la ségrégation, et que son idéal (qui amènera plus tard à l’indépendance de l’Inde) prendra ses racines. De notre côté, nous retrouvons ce personnage célèbre qui avait déjà croisé notre voyage en aout dernier.

 

Nous parcourons ensuite les rues du centre, au gré des explications de Charlie. Il passe en revue les différentes périodes architecturales qu’a connues la ville après son expansion très rapide, à la suite de la découverte des premiers gisements d’or. Aujourd’hui, c’est la plus grande ville au monde à n’être ni située près d’un lac, ni d’une rivière ou d’une côte. Des bâtiments historiques, il n’en reste qu’une poignée. Après l’indépendance du pays en 1961 (depuis 1910, le pays faisait partie du Commonwealth britannique), le gouvernement Boers s’est lancé dans une campagne de destruction de tout ce qui pouvait avoir un lien avec l’Angleterre. Presque tous les bâtiments de style Victorien en ont pâti.

 

Ce que nous constatons, c’est que d’une rue à l’autre nous changeons totalement d’univers. On se retrouve avec un coté de rue tout neuf, beau et sécurisé, en opposé à des bâtiments délabrés, un peu en ruines parfois et où règne un climat d’insécurité. La trace du partitionnement passé de la ville explique en partie ces différences d’évolution, ceci est aussi accentué par les campagnes de rénovation en cours (le nettoyage des rues repousse de plus en plus la violence qui y régnait). La ville change à vitesse grand V, et d’ici 5 ans, Joburg (comme l’appelle les locaux) devrait être le New-York d’Afrique du Sud.

 

Après les différentes rues de l’extra-centre, nous passons à coté du palais de justice, et nous découvrons le bureau que Nelson Mandela, alors avocat, partageait avec son collègue et ami Oliver Tambo. Ils avaient eu l’intelligence de s’installer dans un quartier noir (Charlie oppose l’adjectif « noir » à « blanc », il faut donc le comprendre au sens large, il y avait des chinois et des indiens, eux aussi « classés » comme tels), une population n’ayant pas accès aux services juridiques et étant sans cesse considérés comme criminels (rechercher un travail, ou ne pas avoir le bon travail était un crime à l’époque). Le bureau se trouvait en face du palais de justice, et de l’autre côté de la rue c’était un quartier réservé aux blancs. C’était alors dur pour eux d’exercer mais pas encore illégal, ils ont donc pu le faire officiellement. Tout ceci a eu lieu avant les lois qui ont officialisé l’apartheid. Nous apprenons aussi que c’est Oliver Tambo alors président de l’ANC qui aurait dû briguer la présidentielle de 1994, mais trop affaibli après un AVC (il est mort en 1993), il a passé le flambeau à Nelson Mandela, avec le destin que nous lui connaissons.

 

Nous finissons notre tour dans un lieu branché au n°1 Fox street, installé dans les anciens entrepôts des mines. Ce restaurant-café, qui fait aussi micro-brasserie de bière apporte un visage nouveau au quartier. En face se trouve le commissariat central, lieu rappelant une période sombre, dans un bâtiment des années 60 depuis lequel beaucoup de lettres piégées sont parties, et dans lequel beaucoup d’opposants sont entrés et jamais ressortis… S’il y avait un bâtiment à détruire, ce serait bien celui-ci.

 

Nous finissons le tour en discutant encore avec Charlie autour d’une dégustation de bière, en lui posant 10 questions à la minute. C’est un vrai vivier d’informations, et le sujet est tellement vaste à étudier. Il doit cependant nous laisser, car il guide un autre tour cet après-midi.

 

Nous reprenons pour notre part un Uber pour nous rendre dans un autre quartier qu’il nous a conseillé : Maboneng. Il s’agit d’un quartier qui lui aussi a été gangréné par la misère et la violence, puis un homme a décidé de racheter la zone immeuble après immeuble. Il l’a rénovée petit à petit, puis réussi à convaincre les autorités de le suivre. Aujourd’hui, c’est un quartier branché, où des lieux artistiques, des ateliers ou des boutiques sont maintenant partout dans les rues. Nous parcourons les quelques rues des lieux, mais on nous prévient, les rues qui ne sont pas encore sûres sont juste à côté, et nous ne devons pas nous écarter. L’après-midi est bien avancé, nous ne nous attardons pas et reprenons un Uber, nous avons du chemin pour retrouver notre quartier, celui de Meleville. Nous voulons arriver avant la nuit, qui tombe très vite à partir de 18 heures.